Chapitre 19 : Constellations

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Intrigué, Wulfried se redressa. Marhra avait pourtant prétendu qu'Iscely était revenue de la fête. Il se rappela d'ailleurs qu'il avait été question du comportement qu'il avait eu. L'apprentie n'était cependant pas partie fâchée, dans son souvenir. Il avait beau chercher, il ne comprenait pas pourquoi la vieille femme lui avait reproché son attitude.

Il remit ses bottes et passa le nez par la porte qui donnait sur la coursive extérieure. La brise fraîche le saisit aussitôt, mais pas assez pour le dissuader de partir sur la droite. Iscely lui avait expliqué que la vue y était belle et qu'elle aimait parfois y passer la nuit. Peut-être la trouverait-il ici ?

Il avait vu juste. Après quelques pas et au détour d'un pan de mur, le donjon offrait une petite plateforme où il était possible de s'installer. Là, le nez en l'air, la jeune fille était assise sur des fourrures, emmitouflée dans une épaisse couverture de laine. Elle tourna les yeux vers le guérisseur lorsqu'elle l'entendit approcher et lui sourit aussitôt :

- Tu es rentré ? C'était bien ?

Toujours aucune trace d'animosité dans sa voix. Wulfried se sentit stupide d'avoir commencé à éprouver une pointe d'inquiétude en ne la trouvant pas dans la chambre. Pourquoi devait-il toujours penser au pire quand quelqu'un était absent ?

Il hocha la tête à la question :

- Oui... J'ai... Reserna et moi, on a gagné.

Elle le savait déjà. Pourquoi posait-elle la question ? Comme elle ne répondait rien et fixait à nouveau le ciel parsemé d'étoiles, Wulfried se trouva soudain mal à l'aise. Après tout, Iscely aurait pu gagner cette danse. Elle aurait même la gagner, si le public avait été objectif. Nul doute que l'énergie infatigable dont elle faisait preuve aurait eu raison de Reserna, et même de lui. Au lieu de quoi, elle avait été contrainte d'abandonner.

- Je suis désolé, commença-t-il sans vraiment savoir comment s'y prendre.

Elle eut un regard surpris :

- De quoi ? Tu voulais gagner, non ? Et puis, j'imagine que tu es content d'avoir pu l'embrasser ?

Cette fois, il ne put éviter de remarquer qu'elle avait serré les dents sur ces derniers mots et qu'elle avait à nouveau détourné le regard.

- Oui mais... Déjà, je ne l'ai pas embrassée.

- Ah, murmura-t-elle d'une voix égale.

Elle parut se détendre à nouveau et lui jeta un coup d'œil moqueur avant de lui lancer avec légèreté :

- C'est idiot, elle avait l'air d'attendre que ça !

Wulfried haussa les épaules et s'appuya face à elle contre la balustrade.

- Je n'avais pas envie, improvisa-t-il.

C'était un mensonge grossier qui lui valut pourtant un sourire de la part d'Iscely. Mais il n'allait tout de même pas répondre qu'il avait abandonné sa conquête parce qu'il s'inquiétait pour elle, la fille bizarre ! 

A cette pensée, il se demanda d'ailleurs pourquoi elle avait accepté de participer à la danse mortelle. L'apprentie connaissait sans doute les citadins et avait dû se douter des réactions qu'elle inspirerait.

- Je n'aurais pas dû te proposer de danser, remarqua-t-il à voix haute.

Lui aussi aurait pu réfléchir un peu et deviner qu'il l'entrainait en terrain glissant. Mais, comme souvent, il avait d'abord pensé à son petit plaisir personnel. Son frère avait raison : il se montrait parfois trop égoïste.

- Oh, je pensais pas que tu regrettais à ce point-là, murmura Iscely en détournant les yeux à nouveau.

Cette fois, il l'avait vraiment peinée. Ce n'était pas si souvent qu'elle perdait son sourire et il dut bien reconnaitre qu'il n'y était pas indifférent.

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