Chapitre 6 : Première nuit

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- Voilà ma chambre ! s'exclama Iscely, triomphante, en ouvrant la porte basse qui y donnait accès.

Wulfried pénétra dans une pièce ronde encombrée d'une multitude de figurines, dont le feu de la chandelle envoya valser les ombres sur les murs de pierre. Il y avait de petits personnages aussi bien au sol, que sur les étagères bancales, sur le manteau de la cheminée ou pendus aux poutres. En s'en approchant, il s'aperçut que ces babioles étaient fabriquées avec de la paille et de la ficelle et représentaient des animaux, ou d'étranges petits bonhommes, parfois même un mélange des deux.

- Ça te plait ? C'est moi qui les fais ! expliqua Iscely en désignant une planche sur deux tréteaux où reposaient des ciseaux, des pots et une énorme bobine de fil.

Wulfried lui accorda un nouveau sourire contraint. L'abondance de jouets donnait une ambiance étrange au lieu, un peu étouffante. Mais, à y réfléchir, cette lubie correspondait bien au peu qu'il savait de la jeune fille. Elle paraissait assez jeune...

- Tu as quel âge, en fait ? osa-t-il lui demander.

- Quinze ans dans quelques jours, et toi ? répondit-elle en s'approchant de ce qui devait être son lit.

Wulfried fit la moue. Seulement un an de moins que lui. Elle avait dû mener une vie drôlement insouciante pour se comporter avec autant de candeur ! Il avait plus l'impression de voir une petite fille naïve qu'une adolescente.

Inconsciente de ses questionnements, Iscely entreprit de déplacer les multiples couvertures qui encombraient sa couche. Quand elle en arriva à la grosse meule de foin qui se trouvait en dessous, Wulfried put voir que le lit ne disposait même pas d'un cadre de bois. Ce détail sembla bien arranger la jeune fille qui fourragea un moment jusqu'à séparer le tas de paille en deux. Elle répartit ensuite équitablement les couvertures et désigna le côté le plus proche de la cheminée à Wulfried :

- Tiens, je te laisse le coin près du feu. Je suis habituée.

Le jeune homme esquissa un sourire : voilà qui était généreux de la part de son hôtesse.

- je te rappelle que je suis Traqueur, remarqua-t-il avec une pointe de fierté. Je suis habitué à dormir à la belle étoile. Tu peux rester à côté de la cheminée.

Le regard d'envie admiratif qu'elle lui lança acheva de le faire sourire. De toute évidence, elle était ravie qu'il soit guérisseur, mais le statut de Traqueur prodiguait au jeune homme une aura de prestance dont il était heureux de profiter. Encore une qui allait être folle de lui !

Comme il ne voulait pas trop abuser, ni passer pour une petite chose fragile, il fit comme il venait de dire et lui laissa le côté le plus confortable. Iscely l'avait remercié d'un signe de tête, mais ne pouvait évidemment pas s'en tenir là, aussi, elle enchaina en allumant la cheminée :

- Mère-Grand ne veut pas que je chauffe ici, dans la journée, elle dit que ça ne sert à rien. Mais bon, il fait un peu froid du coup... Le matin ça ira mieux, tu verras. Tu ronfles ? J'espère pas ! Non, parce que sinon je vais être obligée de t'étouffer sous un oreiller, tu comprends ? Après, je ne saurais pas quoi faire de ton corps... En plus, tu dois être lourd à déplacer ! Ou alors il faudrait que je te découpe... Ziiiii ! Ziiii ! Ziiii !

Le sérieux avec lequel elle venait de proférer ses paroles fit se raidir Wulfried. Devant son air inquiet, la jeune fille éclata de rire :

- Eh ! Je plaisante, Wulf ! Je vais pas te manger, tu sais ! Tu as l'air drôlement vite effrayé, pour un Traqueur, toi !

Le jeune homme se rembrunit, vexé de s'être laissé prendre. Ce n'était pourtant pas de sa faute ! C'était cet environnement ! Ce donjon sinistre, cette vieille femme bizarre et maintenant ces figurines oppressantes ! Lui qui avait habituellement la langue bien pendue ne savait plus que répondre.

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