Chapitre 25 : La clef à tête de loup

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Marhra avait terminé sa séance de divination et, lorsqu'Iscely proposa de concocter un remède à base de plantes médicinales, la vieille femme ne s'y opposa pas. Wulfried crut même voir briller les yeux de la guérisseuse à la mention de l'usage du safran.

Le jeune homme fut chargé de rentrer au donjon avec Iscely afin de préparer la mixture qui serait vendue à prix d'or. L'apprentie et lui optèrent pour un mélange des plantes qu'ils avaient énumérées un peu plus tôt. Sans oublier une généreuse dose de l'épice qui donnerait toute sa valeur à la boisson.

Au rez-de-chaussée, près de la cheminée, Iscely entreprit de mesurer les quantités, tandis que Wulfried mettait de l'eau à bouillir et lisait les étiquettes pour retrouver le safran. Comme il n'y parvenait pas, la jeune fille secoua la tête :

— Non, c'est trop rare pour que ce soit conservé ici. C'est à l'étage, au quatrième pallier. Euh...

Elle hésita, les mains prises par deux récipients entre lesquels elle tentait de ne pas renverser une seule goutte de liquide ambré à base de millepertuis.

— Prends le trousseau dans le salon, derrière la statuette, sur le manteau de la cheminée. La clef à tête de chouette... La réserve est fermée à double tour : il y a beaucoup de substances hors de prix là-dedans.

Comme Wulfried s'apprêtait à monter les marches, elle ajouta avec une grimace :

— Ne dis pas à Mère-Grand que c'est toi qui y es allé... Elle est un peu... méfiante, et tu es là depuis peu. 

— Pas de problème, je...

— Et ne va surtout pas au troisième, maintenant que tu as la clef ! Là, ce serait vraiment le drame ! Elle nous tuerait tous les deux !

Wulfried se contenta d'un hochement de tête, tout en se demandant si Iscely était sérieuse. Il lui paraissait logique que ce ne soit qu'une simple exagération, mais l'attitude parfois agressive de Marhra ne l'aidait pas à s'en convaincre. 

D'un autre côté, maintenant qu'Iscely en avait parlé, il n'avait plus qu'une envie : aller voir ce qui se cachait à ce mystérieux étage ! 

Arrivé au premier, le jeune homme se promit de ne pas se laisser tenter ; au deuxième, il estima que, peut-être, si la poignée se laissait tourner sans résistance... Au troisième, il fourragea dans le trousseau sans scrupule et essaya chaque clef jusqu'à trouver le sésame : celle à tête de loup fit jouer le mécanisme.

La porte grinça sur ses gonds et révéla, à demi plongée dans l'obscurité, une pièce ronde semblable au salon ou la chambre d'Iscely. A ceci près qu'ici, la lumière du jour filtrant par les meurtrières éclairait des dizaines de livres aux couvertures de cuir. Comme il n'était pas à une indiscrétion près, Wulfried fit quelques pas pour y voir davantage. 

L'odeur de poussière le prit à la gorge et le jeune homme toussa discrètement dans son bras. Il fallait espérer que les murs épais l'empêchent de trahir sa petite excursion auprès de l'apprentie. Ses pas étouffés par un tapis usé aux entrelacs délavés, le jeune homme entreprit de faire le tour de cette surprenante bibliothèque. 

Pour quelqu'un qui avait soi-disant la lecture en horreur, Marhra était bien lotie. Wulfried plissa les yeux pour découvrir, à la chiche lumière dispensée par les ouvertures, des titres annonciateurs de bien des trésors. Encyclopédie des simples ; Décoctions : savoirs ancestraux ; L'art de la médecine en Escelie ; Potions oubliées ; Remèdes et miracles nordiques... Sur une autre étagère, des ouvrages sans titre mais aux gravures de lunes dorées faisant luire les dos dans la semi-obscurité d'une aura presque magique. Wulfried ne fit que les effleurer avant de reporter son attention au centre de la salle.

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