Iscely conduisit le jeune homme au pied d'un immense escalier de pierre. Ce dernier menait à une haute tour, cernée de murs noirs percés de fenêtres inaccessibles. Une véritable petite forteresse au sein de la ville. Wulfried s'immobilisa, perplexe. Quand il était entré dans Mreoria, il avait remarqué, de loin, le donjon, mais en avait conclu qu'il voyait le domaine du seigneur, ou bien la place forte où se trouvaient les geôles. A aucun moment il ne s'était imaginé qu'il puisse s'agir de la demeure d'une guérisseuse.
— Serais-tu noble, ou quelque chose de ce genre ? demanda-t-il à Iscely.
Cette dernière éclata d'un rire clair.
— Bien-sûr que non ! Quelle drôle d'idée ! Tu trouves que je ressemble à une princesse ? C'est gentil, ça ! J'aimerais bien, remarque ! Quoique je pense pas qu'une noble demoiselle ait le droit de se promener toute seule ! Du coup, ça m'embêterait, tu vois ! Moi, j'aime bien traîner un peu partout, où je veux ! Avant de vivre ici, je voyageais beaucoup, tu sais !
Toujours ce bavardage intempestif. Wulfried préféra l'ignorer, alors qu'elle énumérait les endroits qu'elle avait déjà visités et la suivit, méfiant, de marche en marche. Autour d'eux, des roches brunes, mangées de lichen noirâtre. En haut, les attendait une porte de bois basse flanquée d'un médaillon de bois sculpté, représentant une tortue, symbole des guérisseurs.
Iscely y frappa trois fois et attendit, tandis que Wulfried se retournait vers la ville. De là, il avait une vue plongeante sur Mreoria et son vaste réseau de ruelles tortueuses. Comme la pluie redoublait, il resserra les pans de son manteau. La jeune fille semblait insensible aux gouttes d'eau qui lui dégoulinaient dans le cou, et même au vent glacial qui, à cette hauteur, faisait virevolter sa robe blanche.
Elle lui sourit avec gentillesse lorsqu'elle s'aperçut qu'il l'observait. Il détourna les yeux, mal à l'aise. Etrange. Il n'avait pas d'autre mot pour la décrire. Comme si elle n'était pas intégrée à ce sinistre décor et n'avait rien à faire là. Il faisait froid et humide, tout ici respirait la tristesse et la débauche et elle, elle se tenait là, tout sourire avec lui, comme si la vie n'avait que du bon à lui apporter.
La porte s'ouvrit, coupant court à ses réflexions maussades. Une vieille femme rondelette, le visage creusé de rides et le rictus édenté, vêtue de châles aux couleurs passées, surgit sur le perron. Elle ignora Iscely pour darder deux pupilles noires sur le jeune homme.
— De la visite ! A cette heure ? Un client, fillette ?
Sa voix était criarde, désagréable à l'oreille. L'interpellée secoua la tête :
— Non, mais Wulfried est aussi guérisseur et il aimerait en savoir plus sur notre art. Ah, et, aussi, il cherche un endroit où dormir !
Finalement, Iscely n'était peut-être pas aussi bête qu'elle en avait l'air : elle avait bien compris où il voulait en venir. La vieille femme plissa les yeux et s'approcha du nouveau-venu pour le détailler. Son nez s'approcha de celui de Wulfried au point de le frôler tandis qu'elle attrapait ses mains avec les siennes. Le jeune homme résista à l'envie de reculer violemment lorsqu'il se sentit immobilisé par cette poigne de fer.
Venait-elle de le renifler ? Il n'eut pas le temps de se poser davantage de questions, car la vieille le lâcha pour reprendre une distance plus habituelle et sourit avec bienveillance.
— En voilà un beau garçon ! Je suis sûre qu'il ferait un bon compagnon pour toi, fillette ! Peut-être sa présence t'aiderait-elle à mettre un peu de réflexion dans ta petite tête !
Sans attendre de réponse, elle leur fit signe d'entrer et se recula dans ce qui se révéla être un couloir obscur éclairé d'une bougie tremblotante.
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Guérisseur
FantasyEn refusant de marcher dans les pas de ses parents, Wulfried pense faire le choix de la liberté. Passionné d'herboristerie, le jeune homme veut devenir guérisseur. Non, ce n'est pas l'amour de son prochain qui le porte, mais l'appât du gain ! Sans é...