Chapitre 12 : Idéal

176 38 144
                                    

Iscely ne s'était pas trompée et, comme elle, le jeune homme s'inquiéta de l'état d'affaiblissement de la petite Mimi. La fillette était pâle, étendue sur une paillasse affaissée. Sa mère se tordait les mains près d'elle et son père cherchait dans sa bourse de quoi payer les soins. Il toussa et son visage se décomposa après quelques comptes trop rapides :

- Je... On n'a plus...

Wulfried vit Iscely, qui venait d'examiner l'enfant, fermer les yeux pour se ressaisir et esquisser un sourire forcé :

- Mère-Grand peut vous faire crédit mais... Ce sera un quart de hild de plus, par jour de retard.

De toute évidence, assener cette contrainte lui fendait le cœur. Wulfried se passa une main dans les cheveux, mal à l'aise. Hum... Il n'était pas habitué à ce genre de dilemme. A bien y réfléchir, laisser mourir une sale bonne femme comme celle qu'ils avaient vue au début de la matinée ne le gênait pas vraiment. Mais, là, on parlait d'une petite fille. D'autant que, si on abandonnait cette dernière dans cet état, il était possible qu'elle contamine le reste de la maisonnée.

Enfin... Il fallait bien gagner sa vie, après tout ! Si les guérisseurs se mettaient à offrir les soins à tous les miséreux de la ville et des alentours, il n'y aurait plus de temps pour s'occuper des malades prêts à lâcher leurs pièces d'or !

Comme les parents gardaient le silence, preuve qu'ils ne pourraient pas davantage payer les jours suivants, Iscely se redressa, le visage fermé :

- Je vous laisse le soin d'y réfléchir, nous devons partir. Je vous souhaite du courage.

Wulfried la suivit dehors, dans la ruelle nauséabonde sur laquelle donnait la masure.

- Ne peuvent-ils pas aller voir un guérisseur moins cher ? demanda-t-il en suivant la jeune fille vers la prochaine destination.

- Ils ont déjà tenté, sans succès, à ce qu'ils ont dit la dernière fois... la seule fois, en fait, où on les a vus Mère-Grand et moi. Alors, je sais qu'ils ont essayé les remèdes habituels : thym, sauge, guimauve pour la toux qui empire... La fièvre n'est pas élevée, mais dure et la petite ne veut plus rien manger, trop mal à la gorge et plus d'appétit... Tu sais, j'ai déjà entendu parler d'une maladie qui atteint les poumons et est très contagieuse, j'ai peur que ce soit ça...

Le jeune homme suivait exactement le même cheminement d'idées, aussi il n'eut aucun mal à deviner :

- La fièvre sanglante ?

Iscely hocha la tête, la mine sombre. Cette affection respiratoire dégénérait vers la mort, bien souvent, qui prenait l'entourage à son tour.

- Dans ce cas, il faudrait l'isoler, reprit Wulfried, pensif. Tenter du chardon, pour commencer, peut-être de l'ortie... Tu as remarqué que son père tousse aussi ?

Nouvel acquiescement silencieux. Si le guérisseur estimait normal de voir la maladie emporter de façon régulière quelques patients, il semblait qu'Iscely ne se soit pas vraiment accoutumée à cette idée.

- Mais elle ne crache pas de sang, sinon, ses parents nous l'auraient dit, ajouta-t-il, aussi bien pour rassurer la jeune fille qui paraissait au bord des larmes que dans l'espoir de briser le silence qui devenait pesant.

Cette dernière eut un pâle sourire :

- Tu as raison, je m'inquiète peut-être trop. Mais, s'ils pouvaient nous payer, j'aurais pu pratiquer un examen plus approfondi. 

Fidèle à son caractère enjoué, elle retrouva bientôt un semblant de sérénité et entreprit d'expliquer à Wulfried comment était organisée Mreoria. Le jeune homme, quant à lui, ne l'écoutait que d'une oreille, se rappelant de ses mésaventures la veille. La main sur le pommeau de son épée, il espérait que personne n'aurait l'idée de leur chercher querelle dans ce quartier mal famé.

GuérisseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant