Chapitre 3

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Pendant le trajet en taxi, je tentais de me remémorer la dernière fois que j'avais vu ma marraine. J'avais 10 ans. Pour le principal, je me souvenais de sa peau plus cuivrée que la mienne et de ses yeux noirs comme du charbon. Mais ma mémoire restait floue, imprécise... Je décidais de me repencher sur un de mes livres préférés quand je me rappelais que la rentrée des classes avait déjà eu lieu depuis deux semaines. Evidemment Selena m'avait inscrite dans un des grands lycées en centre-ville : hors de question d'attendre la rentrée prochaine pour ma dernière année de lycée. Ma sœur avait insisté pour m'y emmener le lendemain : « une grande sœur se doit d'être présente dans des moments comme celui-ci » m'avait-elle sermonné. Et mon cul c'est du poulet ? Elle voulait surtout repérer les plus beaux garçons de la ville pour se faire une idée du niveau. Celle-là alors..

Je soupirais à la pensée de ma future journée. J'espérais ne pas avoir à me présenter: je n'avais jamais été à l'aise pour ce qui était de parler devant toute une classe. La dernière fois que je l'avais fait, j'avais 12 ans et je devais réciter une poésie: résultat des courses je m'étais retrouvé à réciter le deuxième vers à la cuvette des toilettes entre deux flots de bile. Je grimaçais à la pensée de ce souvenir pas très agréable. Je m'obligeais à étudier la carte du guide pour oublier mon angoisse. La lecture me donna la nausée: j'avais oublié à quel point je supportais mal de lire dans les transports. D'un seul coup mon nez fut assaillit par l'odeur de tabac froid qui se dégageait des sièges en sky mélangée à l'eau de cologne aux senteurs boisés un peu trop prononcées que le chauffeur avait du se renverser dessus par mégarde. Je me dépêchais d'ouvrir la fenêtre pour y prendre un grand bol d'air. La fraîcheur extérieure me revigora et mon estomac se dénoua un peu. C'était donc une fausse alerte: pas de flot de bile intempestif pour aujourd'hui! J'essuyais la pellicule de sueur sur mon front et me tournais vers ma sœur qui s'était endormie, appuyée contre la portière. Je demandais au chauffeur à combien de temps il estimait la durée du trajet restant et il me répondit qu'un petit quart d'heure nous séparait de notre destination. L'excitation montait un peu plus à chaque nouvelle rue empruntée, je ne pouvais m'empêcher de surveiller les minutes qui s'égrenait lentement sur l'horloge du tableau de bord.

Je trépignais d'impatience. Cela faisait 7 ans que je ne l'avais pas vue. Je portais mon jean préféré et mes converses blanches... quoique plutôt grises à vrai dire. Je tripotais nerveusement mes cheveux à la vue du panneau « ». Je réveillais ma sœur qui semblait, elle aussi, appréhender les retrouvailles. Enfin, la voiture se gara devant une allée de pavées gris qui remontait jusqu'à une somptueuse maison. Elle était entourée d'un grand jardin délimité par une haie touffue, et parsemé de plusieurs arbres gigantesques. La maison me donna aussitôt un sentiment de familiarité et de sécurité. J'échangeais quelques regards émerveillés avec ma sœur, tout aussi ahurie. Je ne me souvenais que de l'imposant jardin et de ses grands pins. Je tombais amoureuse de ce lieu au premier regard. Je sentais que j'allais me plaire ici. Mais la beauté de l'endroit ne réussit pas à effacer mon appréhension grandissante. Le taxi nous déposa avec les bagages. Ma sœur, la bouche entrouverte, souffla :

- Seule dans un chateau pareille ? Tu m'étonnes quel ai besoin de compagnie !

Je croisais son regard avant d'éclater d'un petit rire qui dissipa quelque peu la tension dans mon ventre. Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit, laissant apparaitre une très belle femme : la quarantaine, une longue tresse de cheveux noirs tombant jusqu'à la taille, les pommettes hautes, la peau mate et les yeux foncés. D'un noir si profond d'ailleurs qu'on aurait pu croire qu'elle était en colère si elle n'avait pas eu un sourire éclatant aux lèvres. Elle vint à notre rencontre, les bras ouverts dans un signe d'accueil chaleureux. Ma sœur s'avança la première et Selena la prit dans ses bras en disant d'une voix mélodieuse :

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant