Chapitre 10

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Je me réveillais sous l'effet de la lumière qui m'arrivait en pleine figure. Pestant contre la personne qui avait allumé ma lampe, je ramenais la couette sur ma tête en grommelant. Je me rendis soudain compte de mon erreur et mes yeux s'écarquillèrent. Du soleil ! Il y avait du soleil ! Le sourire jusqu'aux oreilles que je me débarrassais de ma couverture et filait à la fenêtre d'où s'échappaient les rayons dorés. Certes j'aimais la pluie. Mais j'aimais aussi le beau temps.

Une belle journée s'annonçait. Première rencontre avec mon réveil : mon sourire se fana. L'escroc ! Il m'avait largué alors que je venais de l'acheter. Je tapais dessus.

-Comment ça ERROR ?

Je finis par l'envoyer valser à l'autre bout de la pièce. Il percuta quelque chose et un bruit de brisure familier me rappela le moment où j'avais brisé le miroir.

J'avançais lentement en direction du bruit. Je marchais comme si je traversais un champ de mines. Je trouvais le miroir (du moins ce qu'il en restait) gisant dans un coin de la pièce : sûrement Selena qui avait dut le fourrer ici en attendant. Une bouffée de culpabilité me submergea. Je me baissais et attrapais un débris. J'y regardais, et vis mes yeux marrons soulignés de cernes qui m'observaient avec crainte. Rien d'autre - naturellement. Je soupirais en fermant les paupières, sans trop savoir ce que j'avais craint.

Quand je rouvris les yeux, le spectacle était différent. La suface commença à se troubler. Je crus d'abord à une hallucination mais des images apparaissaient lentement. J'aurais voulu fermer les yeux ou lâcher le bout de miroir mais c'était impossible : mes mains étaient littéralement soudées à lui et je ne pouvais détourner le regard. Et ce n'était plus mon reflet que je voyais.

Une famille morte et des soldats qui pillent, brûlent et tuent ; une petite fille seule ; une belle femme brune aux traits familiers qui hurle de terreur ; la voix d'un homme qui hurle sans cesse : « Romanovy umeret' ! Ya klyanus' chto eto ! Romanovy umeret' ! » Des yeux gris, froids et remplis de haine qui me paralysent; la femme qui supplie encore et encore mais ils n'ont aucune pitié, ils la frappent sans relâche même si elle répète qu'elle n'est pas celle qu'ils croient; un coup de feu et la femme s'effondre, sans vie.

Je criais, lançais le bout de miroir de toute mes forces et tombais à genoux. Je l'avais serré si fort que ses bords avaient entamés la chair de ma main. Je me mis à trembler de tout mon corps et me roulaient en boule, me balançais d'avant en arrière, les bras enroulés autour de mes jambes. Alors je revis le visage tuméfié de la femme et je ne pus me retenir de vomir toutes mes tripes. Je pleurais les mains serrées contre mon torse qui s'abaissait et s'élevait à une vitesse incontrôlable. Une nouvelle crise d'angoisse commençait.

J'ignorais la douleur qui émanait de mes phalanges mutilées que je crispais autour de mon pyjama. J'étais roulée en boule par terre. Mes yeux étaient figés dans le vide et je ne cillais pas lorsque Selena arriva. Tout sembla se dérouler au ralenti. Elle balaya la pièce d'un regard et ses yeux s'agrandirent. Si je vis sa bouche appeler mon prénom, je ne l'entendis pas. Elle courut vers moi dans un tourbillon de cheveux noirs. Je la voyais sans la voir. Dans ma tête, ce que j'avais vu et entendu continuais de repasser en boucle. Selena s'était baissée et me faisait face, le regard terrifié. Je la voyais crier et ses yeux cherchaient quelque chose dans mon regard. Ces sourcils se fronçaient d'inquiétude et elle se mit à me secouer. Je ne réagissais pas. Elle vit que j'avais vomi et elle découvrit mes mains ensanglantées. Ses yeux se remplirent de larmes. Je restais impassible, le regard vide.

A l'instant où elle s'empara d'une de mes mains, que sa peau douce et tiède entra en contact avec la mienne, j'inspirais comme si j'avais été en apnée. L'air qui s'engouffrait dans mes poumons m'incendiait la gorge. Le temps retrouva son rythme normal. Selena m'attrapa et me serra contre elle de toutes ces forces. J'entendis sa voix :

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant