Chapitre 27

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Les jours passaient, identiques les uns aux autres. Tous aussi insupportables. Je me levais le matin, la bouche pâteuse, les yeux hagards. Je savais juste qu'il fallait que je me lève pour essayer de la croiser, de la convaincre que je n'y étais pour rien. C'était la seule chose qui me motivait encore à me lever, à m'habiller et à manger malgré mon estomac qui se nouait un peu plus chaque jour. Eve n'avait plus besoin de me tirer du lit à coup de hurlements : j'étais réveillé bien avant l'heure. Et c'était bien ce qui l'inquiétais. Je ne parlais plus  - c' est-à-dire encore moins que d'habitude. L'odeur de la nourriture m'écœurait : le simple fait de sentir l'odeur des toasts grillés au petit matin me rendait malade alors que j'aurais dû en avoir l'eau à la bouche (ce qui est habituellement un signe avant-coureur de gastro imminente dans mon cas). Je ne me reconnaissais plus : physiquement je nme sentais comme Patrick L'Etoile de mer et moralement... ben c'était pas tellement mieux. C'est la raison pour laquelle j'avais recouvert le miroir de ma salle de bains : je ne supportais plus de me voir me « zombifier» jour après jour.

Je me brossais les dents et m'habillais à la hâte avant de sortir dans le froid. Plus d'un mois avait passé depuis le bal. Noël approchait, et voir les gens s'affairer en famille à décorer leur maison d'enseignes lumineuses ou faire des batailles de boules de neiges ne faisait qu'alourdir ma peine. Il était très rare qu'il tombe autant de neige : surement encore un de ces détraquages climatiques. Je ne pouvais m'empêcher de me dire que si je n'avais pas été aussi bête, nous serions surement à la place de ses gens, la tête couverte de poudreuse, riant ensemble, excités à l'idée des fêtes qui approchaient. Je donnais un grand coup de pied rageur dans un tas de neige...

-Aïe ! Aaah...

...dans lequel se trouvait une boîte aux lettres. Je me tenais le pied, les orteils en feu. Les larmes aux yeux de colère et de douleur, je reprenais le chemin du lycée. Heureusement il y avait Max, avec qui je passais la journée. Un type bien qui se contentait d'un « Ça va, mec ? » pour le matin et d'un « Salut mec, à demain ! » le soir, ce dont je n'allais pas me plaindre. Depuis que Sarah avait déserté la place qu'elle occupait toujours à côté de moi en cours pour s'installer au dernier rang, je n'avais aucune envie de bavarder avec personne. Bien sûr Cassandra continuait de me traiter comme son petit copain, surtout dès que Sarah était dans les parages. Plus d'une fois cette peste m'avait prise au dépourvu en surgissant de nulle part et en me tenant la main ou en se blottissant faussement dans mes bras juste au moment où elle passait. Alors je voyais dans ses yeux -clairement bouffis par le manque de sommeil et les larmes- à quel point elle allait mal. Et je pouvais sentir cette souffrance comme un écho en moi. J'avais beau l'appeler, elle se précipitait dans la foule d'élèves puis disparaissait.

Je ne m'étais jamais senti aussi mal. La nuit, les cauchemars se poursuivaient chaque nuit, toujours plus insistants et le jour, c'était presque encore pire. D'autant plus que les moqueries avaient recommencés de plus belles, et c'était Sarah qui en souffrait le plus. Des gens - je soupçonnais la bande de Tiffany ou de Josh- écrivait des choses horribles sur son casier du genre « Je suis une pute » ou « J'aime Cassandra D. » ou encore « Je suis moche ». J'étais furieux. Je m'en étais même pris à un élève de première au self qui avait renversé son plateau alors qu'elle allait le déposer. Elle l'avait ramassé en contenant ses larmes sous les moqueries de presque toute la salle, elle c'était enfui à grand pas. J'avais bondi de ma chaise et j'avais laissé ma rage contenu pendant tout ce temps s'exprimer à travers les coups que je lui portais. J'étais tellement en colère, j'avais tellement mal ! Il fallait qu'il paye... Je saignais à l'intérieur... il fallait qu'ils payent tous... Puis quand la rage laissa place à la tristesse, quand nous cessâmes de nous battre, la salle avait fait silence. J'avais le nez en sang et les mains tremblantes. Mes phalanges étaient gonflées mais je ne sentais aucune douleur. Tout ce que je savais au fond de moi, c'était que ces gens m'avaient pris Sarah. Il me l'avait arraché, mais je la leur reprendrais.

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant