Chapitre 13

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Je tirais sur la laisse d'Edge, Buck et Mili. Je devais promener ces trois clébards chaque samedi matin et même si j'aurais préférer dormir jusqu'à 14h et glander ou faire de la musique dans ma chambre, ça me permettait de me faire un peu d'argent de poche. Mrs Gibbson, notre voisine d'un "certain âge" (Eve m'avait défendu de la traiter de vieille malgré ses 76 ans, sa surdité à l'oreille gauche et ses troubles de la mémoire), m'avait pris en sympathie depuis que je l'avais aidé à porter ses courses 2 ans plus tôt.

Je m'apprêtais, comme tous les samedis matins, à les emmener à l'Union Square Park. Il est clair que ça faisait une bonne balade depuis chez moi mais marcher ne me déranger pas, et j'aimais cet endroit où j'avais eu l'habitude d'aller avec ma Tante et mon Oncle quand j'étais plus jeune. Ce jour-là, je devais d'ailleurs porter une commission à un vieil ami de ma Tante, qui était considéré comme un membre à part entière de notre famille : le gérant du célèbre Wilson & Wilson Bar. Eve voulait poster le colis mais je l'avais arrêté, lui expliquant que je n'aurais qu'à faire un petit détour et que je serais ravi d'avoir une occasion de revoir Joe. Elle accusa le coup devant mon regard suppliant : ça faisait un bail que je ne l'avais pas revu. J'aimais le franc parler de cet homme chauve toujours fringué de ses chemises hawaïenne qui couvraient sa bedaine,et sa grosse montre qu'il se débrouillait pour toujours laisser apparente aux yeux des clients. Enfin, il avait toujours eu se ton paternel et un peu bourru qu'il employait avec moi depuis ma prime enfance. Joe avait, en quelques sorte, contribué lui aussi à construire celui que j'étais devenu aujourd'hui. Je me rappelais ces après-midi passer à l'écouter me raconter la vie, accoudé au comptoir du bar, le regard brillant d'admiration pour cet homme qui, même en ayant fait les 400 coups dans sa jeunesse, n'en avait tiré aucune leçons . Il était devenu pour moi un modèle : à la fois le parfait débrouillard et le vieux brigand repenti, assagi par le temps. Plus jeune, il m'avait également nommé "goûteur officiel" des nouveaux cocktails- sans alcool- qu'il inventait. Toujours présent pour mes anniversaires et Thanksgiving, il était pour moi rentré dans mon cœur sans avoir rien demandé. 

Soudain, alors que j'arrivais en vue de l'Union Square Park, le tonnerre se mit à gronder.

-Merde ! J'ai pas pris de parapluie ! jurais-je.

J'essayais par la même occasion de retenir Buck et Edge qui c'était mis à aboyer contre un autre chien.

Je tenais d'une main les trois laisses et de l'autre la grosse enveloppe de papier kfrat destinée à Jo. La pluie s'abattit d'un coup.

-Génial... Il manquait plus que ça !

Les chiens s'agitèrent . Je glissais tant bien que mal l'enveloppe sous mon t-shirt et ramenais ma veste sans capuche sur ma tête.

Je traversais la place déserte quand un bruit qui n'était pas celui des gouttes d'eau attira mon attention. Un certain malaise s'agita en moi lorsque je reconnu des sanglots. Je m'arrêtais et jetais un regard circulaire sur la place. L'eau m'empêchait de voir quoi que ce soit mais finalement, je distinguais une personne roulée en boule sur un banc isolé. Je m'approchais sous la pluie battante :

-Hé ! Hé vous là !

Plus je me rapprochais, plus les contours et les détails m'apparaissaient nettement.

Soudain, lorsque je ne fus plus qu'a un pas d'elle, mon cœur tomba dans ma poitrine. Ses cheveux, sa peau. Et sa voix. Je n'en croyais pas mes yeux. 

-Ca... ça va ?

C'était la première fois que je la voyais pleurer. Elle paraissait désespérée et je me sentais complètement inutile.

Je m'approchais d'elle. Sarah releva la tête. Si moi j'étais trempé jusqu'aux os, elle avait l'air d'une noyée. Elle renifla et plissa les yeux pour mieux me voir.

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant