Chapitre 24

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J'étais fatiguée, tellement fatiguée... J'augmentais la pression de l'eau, regardais son niveau monter lentement. Je ne voulais plus voir son visage. Mes paupières devenait si lourdes... je voulais tout oublier. Les mots, les phrases qui se bousculaient dans ma tête. Je voulais sortir sa voix de mon crâne. J'augmentais encore la pression. L'eau atteignit mon torse, immergea mes bras. Je fermais les yeux, savourais la chaleur qui enveloppait ma peau. Les souvenirs qui défilaient dans ma tête m'obligèrent à serrer ma main contre ma poitrine, comme pour éviter à mon cœur de tomber 10 étages plus bas. Je voulais oublier mon cœur meurtri qui bondissait quand je revoyais ma mère avalé ses cachets, endormie sur le canapé, une bouteille d'alcool vide à la main. Je lui en voulais de nous avoir abandonné comme ça, même si on s'était toujours plus occuper d'elle que l'inverse. J'aurai voulu pouvoir en vouloir à quelqu'un dans cette histoire, trouver un coupable à blâmer, n'importe qui. Mais la seule responsable de mon malheur c'était moi. J'étais mauvaise, j'attirais les problèmes et le malheur à 200 km à la ronde. Et quand je pensais au regard si rassurant de Louis, je voulais arrêter ses battements irréguliers dans ma poitrine, parce que je savais bien au fond de moi que tout cela ne menait à rien de bon. L'eau continuait son ascension, imperturbable. Une fois de plus, je devenais dépendante de quelqu'un. Et la vie trouverait bien un moyen de m'en séparer. Je fis courir mes doigts le long des lignes irrégulières causées par les cicatrices roses au creux de ma paume. On aurait dit des petites veines étranges vidées de leur sang.

Mes larmes coulaient encore. Je ne supporterais pas de le perdre lui aussi, même si au regard de mon karma, cela me paraissait inévitable. Je les essuyais avec rage, épuisée, lasse de ma faiblesse. Et je songeais à me laisser glisser dans le sommeil. J'arrêtais l'eau. Je vidais ma tête, je voulais arrêter de penser, juste arrêter de penser... Je glissais. L'eau atteignit mon menton. Je glissais. Ma bouche disparue. Je devais désormais regarder le plafond pour pouvoir continuer à respirer. Mes yeux se fermèrent. Je sentais la caresse de mes cheveux qui s'agitaient en vagues régulières autour de mon visage. Tout était calme. Mon cœur s'était tu. Le temps resta suspendu quand je pris une dernière inspiration. Et plongeais une dernière fois ma tête sous l'eau.

Tout est plus simple dans l'eau. Elle déforme les contours, les remodèlent à son image. Elle ne te montre que ce qu'elle désire, efface ce qui lui déplait dans le remous de ses vagues. Je me sentais bien, en sécurité. Rien ne pouvait plus m'atteindre.


On frappe à la porte. J'immerge de l'eau, inspire en haletant.

-Sarah ? Le dîner est prêt.

C'était Selena.

-Tu ferais mieux de te dépêcher ou tu risques d'être en retard...

« En retard ? »

Je me séchais la main, jetais un coup d'œil à mon portable. J'avais un nouveau message de Louis. Mon cœur s'emballa comme à son habitude et je maudis une fois de plus ses réactions incontrôlables qui contredisaient mes efforts pour rester indifférente.


Bossa Nova Baby, Elvis Presley


"Passe te prendre à 18h 15. tjrs OK ? "

« Oh merde... le bal ! » Je me tapais le front en me traitant de tous les noms : j'avais complètement oublié ! Il faut dire que je n'avais vraiment pas l'habitude de sortir...Prise d'une euphorie et d'une excitation mêlée de panique, je sortais précipitamment de mon bain et glissais sur le carrelage mouillé. Je m'explosais par terre en me faisant l'effet d'une grosse otarie. Le bruit fut assourdissant mais heureusement, plus de peur que de mal. Je me relevais prudemment en me frottant la hanche droite avec une grimace : j'allais récolter de sacrés bleus, moi qui marquais pour un rien !

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant