Chapitre 5

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 Dans le bus sur le chemin du retour, j'enfonçais mes écouteurs dans mes oreilles et montait le volume au maximum. Je voulais vidée ma tête, ne plus penser à rien. Je repliais mes genoux contre mon torse et regardais le paysage défiler par la fenêtre sans vraiment le voir. Sur le trottoir, je bousculais maladroitement plusieurs personnes, l'esprit en totale confusion. Des centaines de questions s'entrechoquaient dans ma tête. J'avais senti quelque chose d'étrange quand ce garçon m'avait serré la main... Une sorte de petit électrochoc et une chaleur intense dans le bas de mon ventre . Qu'est-ce qui c'était passer ? C'était la première fois que je ressentais ça. Pourquoi s'était-il comporter de manière si... agréable avec moi?

Depuis combien de temps  avais-je décidé de ne plus faire confiance aux gens? Depuis quand ne s'était-on plus intéresser à moi de cette façon ? Je n'arrivais pas à me souvenir. Ou plutôt : je m'efforçais de ne pas me souvenir... Sans vraiment savoir pourquoi, j'accélérais le pas. Je ne savais pas vraiment si je souhaitais fuir la réalité ou me réfugier le plus vite possible dans ma chambre pour y pleurer tout mon saoul.

Je finis par courir à toutes jambes, les yeux embués. J'arrivais enfin devant la grande grille en fer forgé que j'ouvrais le plus vite possible, avant de me lancer dans l'allée pavée. Trop de question se bousculaient dans ma tête, trop de doutes et de peurs qui meurtrissaient mon cœur. J'enlever mes écouteurs avec colère. J'atteignais les marches en pierres et arrivait devant les deux grandes colonnes blanches, porteuses de la maison. Je me laissais aller contre l'une d'elles, le front posé sur la surface rafraîchissante du marbre poli. Vidée de toute énergie, je me blottissais à son pied, le regard instinctivement tourné vers le ciel. Cette première journée m'avait rappelé tellement de mauvais souvenirs : leurs regards remplient de haine et de dégoût, l'idée même que la plupart me détestaient déjà. Est-ce que tous ceux que j'aimais et qui avait disparus me voyaient d'en haut ? Mes larmes débordèrent et se réfugièrent dans mon écharpe. Sans trop savoir à qui je m'adressais, je murmurais dans le crépuscule:

- Aidez-moi ... 

Je fermais les yeux. Mon visage était trempé mais je n'avais pas le courage de l'essuyé. Quelques minutes passèrent ainsi. Ou peut-être quelques heures. La lune avait le don de m'apaiser. Peu à peu, mes sanglots se transformèrent en reniflement, puis cessèrent. Je n'avais aucune envie de bouger mais il fallait quand même que je rentre. J'étirais mes muscles engourdis à la fois par le froid et par ma position inconfortable. Je regardais l'heure sur mon portable : cela faisait une bonne heure que j'aurais dû être rentrée. Je me précipitais vers la porte avant de me raviser. J'allais sûrement subir un interrogatoire alors autant évité le maximum de questions. Je m'essuyais le visage, me mouchais pour éviter de renifler et tentais de trouver une expression crédible qui ne trahisse pas mon désespoir. Une fois entrée je filerais le plus vite possible dans ma chambre en ne répondant qu'au strict minimum.

J'inspirais un bon coup et me décidais à frapper trois coups secs sur la majestueuse porte d'entrée blanche. Des pas précipités résonnèrent dans le salon puis dans le corridor. Je tournais une dernière fois la tête dans la direction de la pleine lune silencieuse. La porte s'ouvrit à la volée et j'eu juste le temps d'afficher une expression d'excuse toute faite avant que ma sœur apparaisse, apparemment déçue de me voir. Elle jeta un coup d'œil  vers la grille en fer forgée, le regard plein d'espoir.

- C'est moi ! lançais-je avec un sourire timide. 

Léa reporta son attention sur moi avec une expression indéchiffrable.

-Selena ! C'est Sarah...  grogna-t-elle avec amertume.

-Vas-y, cache ta joie de me revoir...

Il y eut un bruit sourd suivis de pas précipités. Ma sœur repartit dans le salon en  traînant la savate-ou plutôt l'escarpin. Je ne tardais pas à voir cette fois ci le visage anxieux de ma marraine, une courgette à la main. Ses traits se détendirent et elle me prit dans ses bras. D'abord hésitante, je finis par la serrer plus fort, exprimant dans cette étreinte tous ce que je ressentais. Je priais pour réussir à retenir mes larmes assez longtemps.

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant