Chapitre 11

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Allongé dans mon lit, les mains sur la nuque, je contemplais le plafond de ma chambre. J'avais feint le sommeil lorsque ma tante Eve était venue me rendre visite : j'avais besoin de réfléchir. Les événements qui s'était déroulés - coup d'œil à mon portable - il y avait maintenant 14 h, ne cessaient de déambuler sans but précis dans le labyrinthe de mon esprit, flottant çà et là aux frontières de mon inconscient pour me surprendre. Des lambeaux de souvenirs réapparaissaient soudainement comme dans un flash pour ensuite disparaître aussi vite, effacés de ma mémoire. Tout me semblait si lointain... je me rappelais la fatigue, Mr Giles et un mauvais pressentiment. Mais je n'arrivais plus à mettre le doigt sur ses raisons. Je revoyais le parc, les rues toutes identiques, les trois hommes au comportement étrange, et Sarah... Sarah. Je n'avais même pas de quoi prendre de ces nouvelles alors que c'était la seule chose que j'avais vraiment envie de faire. Ça, et du piano. Je ne pus m'empêcher de sourire quand je repensais à l'après-midi inattendue que nous avions passé à discuter. Dès que son image me revenait en mémoire, je sentais le besoin urgent de soigner mon apparence.

J'inspectais l'étendue des dégâts dans le reflet de la fenêtre. Je tentais d'instaurer un minimum de discipline à mes cheveux quand soudain, un mouvement dans la rue d'en face attira mon attention. Une voiture noire aux vitres teintées garée juste devant le trottoir d'en face recula lentement puis disparue au coin de la rue. Je restais planté là, les yeux rivés à l'endroit exact où la voiture avait tourné. Cette scène avait réveillé une sensation étrange en moi. La même qu'on a quand on part en vacances et qu'au moment de vérifier que rien ne manque, on est envahi par ce sentiment qui provoque LA phrase culte :

-J'ai l'impression d'oublier quelque chose...

Après plusieurs minutes de réflexion intense passées à regarder dans le vide, je me rendis compte qu'autre chose bougeait dans mon champ de vision. Une sorte de grosse ...meringue rose me saluait avec des gestes enthousiastes. Une grosse meringue qui se révéla en fait être ma voisine de balcon- si je puis dire car j'avais seulement un large rebord de fenêtre pour ma part. Malheur. Je soupçonnais Cassandra Derstam que je connaissais depuis la maternelle et qui -entre nous- n'avait guère changée depuis, d'avoir un faible pour moi. Et je n'avais pas que des soupçons en réalité. Cachée sous un tas de froufrous et de nœuds roses, elle me fit signe d'ouvrir ma fenêtre pour discuter. Oh mon dieu. Un plan de secours... Vite ! Ce n'est pas qu'elle n'avait aucun charme : cheveux châtain clair, taille de guêpe, yeux gris, beau sourire, gentille et tout ce qu'on veut mais sans vouloir être vexant : l'intelligence et le tact manquait clairement à l'appel. Cependant, si on y enlevait les posters Barbie girl sur ces murs, son penchant pour les couleurs roses ou fluorescentes, son parfum de petite fille pourrie gâtée écœurant et sa vénération pour Hannah Montana (imprimée sur sa tête de lit)... Je grimaçais. Non. A la réflexion, même sans tout ça, je n'aurais pas pu sortir avec elle.

J'ouvrais maladroitement la fenêtre.

-Louloooouuuu ! Comment vas-tu aujourd'hui ? roucoula-t-elle.

Un souvenir des plus embarrassant et désagréable me revint en tête : celui d'un samedi matin quelques mois plus tôt. Je sortais de la douche avec seulement une serviette autour de la taille quand, au moment où j'allais enfiler mes vêtements, je l'avais surprise penchée sur le balcon avec des jumelles. Après ça je n'avais plus osé ouvrir mes volets pendant deux semaines ni regarder sa mère dans les yeux quand j'allais à l'épicerie au coin de la rue. Jusqu'à ce que ma tante Ève m'ai convaincu que c'était ridicule :

-Je t'en prie ! avait-elle rit devant ma gêne. Moi je la comprend en tout cas... regarde le beau jeune homme que tu es devenu !

Cela n'avait servi qu'à me faire rougir un peu plus et à déclencher un torrent de vannes pourries de Larry qui avait, bien sûr, sauté sur l'occasion. J'avais tout de même fini par céder.

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant