Chapitre 9

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La fraîcheur des gouttes de pluie sur ma peau me clarifia les idées. Je ne laisserais pas la panique me submerger : j'avais besoin d'y voir clair. Depuis le jour où ma mère m'avaient oublié au courses, j'avais eu la hantise de me retrouver seul et, pire encore : de me perdre.

Une pellicule de sueur recouvrait mon visage et mes bras collants. Un brouillard oppressant   s'était levé, ponctué par la bruine. Une sensation de claustrophobie grimpa sournoisement en moi :l'impression d'être dans une cage dont je ne voyais pas le plafond empêchait mes poumons de se remplir au maximum. On se serait crut dans un décor de film d'horreur  du genre Jack L'Eventreur. On ne voyait pas à trois mètres et il n'y avait pas un chat dans les rues qui aurait pu m'indiquer la route à suivre. Mon portable refusa de s'allumer : la batterie était à plat. Je me retournais et  découvris que la brume avait déjà effacé le portail en fer de la grande maison blanche. Désormais il était trop tard pour faire demi-tour.

J'avançais lentement sans vraiment savoir où j'allais. J'avais perdu mes repères et tout à coup, la grande ville qui m'avait toujours semblait pleine de charme m'apparut comme un labyrinthe effrayant. Je déambulais d'une démarche incertaine. Qu'elle heure était-il ? La nuit commençait à tomber, nous avions parlé pendant un long moment avec Sarah. Puis, suite à un débat concernant nos films préférés, elle m'avait invité à se joindre à elle et sa sœur pour regarder un classique de Disney : elle les adorait. Devant son émerveillement, je n'avais pas pu refuser. Et malgré le froid qui mordait mes joues, je ne regrettais rien. Je tentais de suivre le même chemin qu'à l'arrivée mais au bout de quelques rues, je finis par perdre le fil. Le souvenir de moi-même errant dans ces rues à la recherche de la maison de Sarah ma parut remonté non pas à quelques heures, mais à une semaine.

Je marchais longtemps sans m'arrêter. J'étais épuisé et je voulais par-dessus tout rentrer chez moi. Je ne voyais le nom des rues qu'au dernier moment, quand j'étais suffisamment près pour que la brume ne m'empêche pas de lire. Je n'avais plus aucune notion du temps : je ne savais pas depuis combien de temps j'avançais ni même si je tournais en rond dans cette foutue purée de pois. L'agacement se rajoutait à la fatigue qui faisait gémirent mes pieds et mon dos. Je me remémorais vaguement les trois hommes qui m'avaient suivies dans le parc. Tout compte fait, il ne devait pas me suivre, j'avais surement céder à la paranoïa. Avec le recul, cette histoire me parut sans importance. Désormais je voulais juste atteindre le but ultime : mon lit. Et dormir pendant des années.

Je marchais encore... je marchais toujours... depuis combien de temps ? Plusieurs heures à mon avis. Mes jambes semblaient peser une tonne et chaque pas m'élançait de douleur. Je grinçais des dents. Mon sac remplis de livres et de cours tirait sur mes épaules : je dus faire un gros effort sur moi-même pour ne pas le jeter à la poubelle. Quand tout à coup, je me retrouvais face à un carrefour avec des panneaux. Haletant, je m'empressais de lire. Il me semblait reconnaître l'endroit : la déception et l'amertume m'envahirent lorsque je découvris que je tournais en rond. J'étais déjà passer ici au moins trois fois. Pas étonnant que je ne croise toujours pas un piéton pour m'indiquer le chemin ! Je balançais mon sac avec rage avant de m'asseoir sur le trottoir, la tête dans les mains. C'était trop. La fatigue m'embrumais tellement le cerveau que, l'espace d'un instant, je fus tenter de m'endormir ici.

« Ressaisis-toi bon sang !» m'ordonnais-je mentalement.

Je pensais à Tante Eve. J'imaginais son visage inquiet, le savon qu'Oncle Larry allait me passer et les punitions auxquelles j'aurais sûrement droit quand je rentrerais. Je pensais à ma maison... à ma petite chambre bien chauffée coincée sous le toit... à mon lit confortable et douillet... Mes paupières se faisaient insupportablement lourdes. J'avais juste envie de m'endormir.

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant