Chapitre 21

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J'attendais son arrivée, guettant chaque sortie de bus, trépignant littéralement d'impatience. Je me passais nerveusement la main dans les cheveux quand je l'aperçu au milieu de la foule d'élèves qui se bousculaient dans un flux incessant d'entrée et de sorties. Mon cœur s'arrêta quand elle leva ses yeux marrons aux longs cils noirs vers moi. Elle n'était plus qu'à quelques mètres , regardant autour d'elle comme une petite fille perdue. Je souris, immédiatement soulagé : j'avais redouté toute la nuit qu'elle ne vienne pas. Je me frayais un chemin jusqu'à elle parmi les autres.

-Salut.

Elle se tourna et retira ses écouteurs. Son étonnement fit place au soulagement :

-Ce que je peux être contente de te voir !

Elle m'avait enlacé instinctivement avant de s'écarter, confuse.

-Pardon...

Sarah se dégagea maladroitement en fuyant mon regard. J'étais complètement désarçonné :

-Pas de problème.

Ce qui était vrai : son enthousiasme spontané me rendait heureux. J'avais vraiment craint qu'après ma malheureuse tentative de ce week-end, elle ne soit plus la même. Nous entrâmes côte à côte dans le bâtiment et je laissais libre cours à ma joie. Au fur et à mesure de notre discussion, je remarquais que quelque chose avait changé dans son regard. Elle était différente. Je voyais qu'elle avait l'esprit ailleurs.

-Tu veux en parlez ? demandais-je, soucieux.

Je m'étais arrêté au milieu d'un couloir surpeuplé et bruyant. Elle tourna son regard vers moi et pinça les lèvres puis soupira :

-Je n'ai pas envie d'y penser. Plus tard d'accord ?

Je fronçais les sourcils et haussais les épaules :

-Comme tu voudras.

Autant ne pas la forcer. Elle me décocha un sourire étincelant que je ne pus m'empêcher de lui rendre. Son attitude changea aussitôt. La discussion reprit avec entrain et je ne vis plus trace de tristesse ou de mélancolie dans ses yeux quand nous nous rendîmes ensemble à notre premier cours commun de littérature et société.

J'avais du mal à me concentrer, mon regard attiré comme un aimant par ma nouvelle voisine de classe. J'essayais de résister mais ne tenait pas plus de cinq ridicules minutes sans lui adresser un coup d'œil. Il fallait absolument que je me ressaisisse si je ne voulais pas passer pour un crétin. Pendant que j'écoutais distraitement le babillage de Mr Tayler concernant l'art théâtral et son influence sur la société entre le 16ième et le 17ième siècle, je me rendis compte que des têtes se tournaient sans cesse dans notre direction. Je constatais qu'ils avaient l'air effarés, incrédules pour la plupart. Sarah faisait mine de les ignorer sans parvenir à convaincre qui que ce soit de son indifférence. La réalité m'avait descendu de mon nuage et je n'en étais que moins enclin à supporter leur rires étouffés. Le pire était qu'ils ne se préoccupaient pas d'être discrets et leurs commentaires nous parvenaient audiblement :

-T as vu ? C'est Hashley à côté de Carter !

-On dira qu'il prend son rôle de guide touristique très à cœur...

-Tu penses à ce que je pense ?

-Il a aucune chance contre Bryant...

-Elle est toute rouge !

Un élève assis dans le rang juste devant nous donna un coup de coude à son ami qui se retourna pour vérifier par lui-même. La colère me submergea quand il reluqua Sarah avant de me jeter un regard moqueur :

Livre 1: HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant