34. terminus

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 Quelques jours plus tard, le docteur Johnson décréta qu'elle était complètement guérie.

Tous ses points de suture lui avaient été retirés. À quelques exceptions près, son corps était enfin libre de ces mètres et ces mètres de bandages, de ce nombre indénombrable de pansements. Laureline regarda le médecin ranger tous ses instruments médicaux dans sa mallette, assise sur une chaise en bois, le dos droit, ses doigts restants autour de son moignon. Quand il eut fini, monsieur Johnson se redressa et la regarda, toujours avec un sourire plein de bienveillance peint sur son visage.

— Je vais prévenir monsieur Lyraispaix que je n'aurai plus besoin de revenir.

— D'accord, répondit-elle en lui rendit son sourire. Merci encore pour tout ce que vous avez fait.

— Je n'ai fait que mon travail, dit l'humain en étouffant un petit rire, puis en ouvrant la porte. En attendant que nos routes se croisent à nouveau, je te souhaite une bonne journée, Laureline. J'espère que nous pourrons nous revoir bientôt... et que je n'aurais pas à soigner tes blessures pour la énième fois !

Elle lui souhaita au revoir, en agitant lentement sa main valide. Elle entendit le médecin s'éloigner petit à petit, traversant le couloir et souhaitant une bonne journée aux domestiques comme il avait l'habitude de faire. L'humaine inspira profondément. Laureline avait rangé l'intégralité de sa chambre, les servantes s'étaient retrouvées assez dépourvues en remarquant qu'elle avait même fait la poussière en « empruntant » un balai et un plumeau, pendant qu'elles avaient le dos tourné.

Ainsi, Laureline attendit. Elle attendit cinq minutes, dix minutes, quinze minutes, avant de se dire que le moment était venu. Elle sortit de sa chambre, vêtue de cet étrange manteau au-dessus de ses vêtements habituels, descendit l'escalier et traversa le hall. L'humaine poussa la double porte menant à la salle à manger, où son professeur se trouvait. Comme toujours, il était assis dans ce fauteuil, devant l'âtre éteint de la cheminée, un journal dans la main. Elle s'assit devant lui sans ouvrir la bouche. Après un petit moment, il détacha lentement son regard du quotidien pour l'observer. L'Horribilis ferma son journal et le posa sur la table basse.

Alors qu'elle s'apprêtait à prendre la parole, monsieur Lyraispaix prit les devants, un étrange sourire tirant les traits de son visage :

— Monsieur Johnson m'a informé que tu étais rétablie. Je sais pourquoi tu es là, Laureline. Ta décision est-elle entièrement prise ?

— Oui, Professeur.

Un silence. Puis, il hocha la tête.

— D'accord, je comprends. Ton départ est-il imminent ?

— Je prendrai le premier train pour Veilos, renseigna l'humaine. Il n'y a pas de gare, à Belatelzia.

— Je vois. Je dois t'avouer que je ne connais absolument pas les départs prévus de cette semaine. Ni des semaines qui suivent, d'ailleurs. Il faudrait se renseigner directement auprès de la gare.

— J'y vais dès maintenant, alors, lança Laureline en se levant brusquement.

— Doucement, grogna-t-il en lui faisant signe de se rasseoir. Rien ne doit se faire dans l'immédiat. Nous irons à la gare après le déjeuner.

— « Nous » ?

— Oui. Toi et moi. J'ai quelque chose à te montrer, en ville. Nous ferons d'une pierre deux coups.

Midi arriva rapidement. Ils mangèrent en silence comme ils avaient eu l'habitude de faire, au cours de ces derniers mois. Malgré l'excitation de Morgane d'enfin revoir son alliée à table, Laureline lui accorda très peu d'attention. Elle ne lui avait toujours pas dit la vérité. Un malaise l'apporta et lui coupa presque l'appétit.

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant