Quelqu'un toqua à la porte. Dans un sombre râle, Laureline ouvrit les yeux : sa chambre était plongée dans la plus profonde obscurité. Aucune lumière naturelle ne traversait l'unique fenêtre de sa chambre, pile devant l'entrée. Avant de s'endormir, elle avait remarqué qu'elle avait une agréable vue sur le jardin du domaine, avec ses arbres gigantesques et sa flore diverse.
Quelle heure est-il ? La jeune femme s'efforça à sortir du lit – qui se trouvait contre le mur de sa piètre chambre. Elle traversa la pièce, habillée de sa robe de nuit en toile, à pas de chat. Aucune chance pour elle de se heurter à un meuble alors qu'elle marchait dans les ténèbres : à part son lit, un bureau et une armoire juxtaposés s'érigeaient contre le mur opposé. Laureline tâtonna le mur, trouva puis ouvrit la porte en tuant un grognement désapprobateur, et se retrouva face à une domestique. La lueur flamboyante de la bougie illuminait son visage terne et ses yeux vides.
— Monsieur Lyraispaix vous demande dans la salle à manger, déclara-t-elle simplement. Je vous y amènerai. Habillez-vous et ne le faites pas attendre, je vous prie.
Laureline lui répondit d'un simple hochement de la tête. La servante lui donna son bougeoir pour qu'elle pût avoir une source de lumière, aussi minime qu'elle fût, puis attendit sagement à l'extérieur de la chambre, sans dire un mot, dans le noir. La jeune femme s'empressa d'enfiler son pantalon et sa tunique, dans des murmures fatigués et irrités. Qui est donc si fou pour être éveillé si tôt ? Le Soleil ne s'est même pas levé ! Elle peinait à garder les yeux ouverts. Bougeoir en main, elle sortit de sa chambre, la domestique n'avait pas bougé d'un cil.
Elles descendirent au rez-de-chaussé. L'immense manoir était plongé dans un silence qui rendit Laureline mal à l'aise. L'obscurité omniprésente semblait sans fin. La servante ouvrit les portes qui menèrent à la salle à manger : le feu de cheminée crépitait et diffusait une chaleur rassurante dans l'intégralité de la pièce. D'autres domestiques amenaient tranquillement des plateaux de pain tranché, des pots de confiture, des carafes en verre débordant de liquides différents et de couleurs étonnantes et j'en passe, pendant que la jeune femme s'approcha timidement de la chaise qu'elle avait empruntée, la veille. Il n'y avait personne, face à elle. L'Indomptable n'allait pas tarder à la rejoindre, présumait-elle.
Elle attendit quelques minutes, et entendit son ventre gargouiller devant toute cette nourriture. Monsieur Lyraispaix n'arriva pas. Approximativement trente minutes après être venue, une domestique lui déclara qu'elle ne devait pas se retenir de manger. La jeune femme déjeuna avec amertume et impatience, mais ne put s'empêcher de sourire de satisfaction en goûtant à tout ce qu'on lui offrait : le pain était assez chaud sans lui brûler le palet, et le beurre fondait sur sa mie tendre.
Une heure plus tard, les portes de la salle à manger se rouvrirent, et monsieur Lyraispaix s'assit devant la jeune femme d'un air indifférent. Laureline bouillait de l'intérieur. Et il ne s'excuse même pas de m'avoir fait attendre ?! Elles sont où, ces bonnes manières ?! Il était habillé de la même manière, et son regard n'avait pas changé. L'Horribilis posa ses yeux glacés sur la jeune femme.
— Bonjour, Mademoiselle.
— B-bonjour.
Son regard la déstabilisait. Il est trop calme et stoïque, en comparaison avec d'autres membres de son espèce. Même Leila, l'unique Horribilis de son village natal, n'était pas aussi impassible au monde qui l'entourait. Un homme aussi ferme avec deux Horribiles qui ont l'âme d'un enfant de six ans...
Laureline avait fini de manger depuis longtemps. Elle regarda l'Horribilis : il ne toucha pas le moindre instant à la nourriture qu'on lui proposait. Les doigts entrecroisés près du visage, il ne la lâchait pas des yeux. Elle déglutit. La jeune femme osa lui demander :
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Laureline et le Nouveau Colisée
FantasyPour aider son père et ses plus jeunes sœurs, Laureline n'hésite pas à tout abandonner pour rejoindre la capitale, Valiroma, pour y faire fortune dans des combats féroces et périlleux, mélangeant humains et Horribiles, des êtres dotés de pouvoirs dé...