14. scriptum

11 2 0
                                    

Père,

    Désolée de ne pas avoir pu t'envoyer une lettre avant. J'ai été très occupée ces derniers temps, et...

    Laureline s'arrêta là. En plissant les yeux sur ses lettres maladroites, elle se demanda si c'était judicieux de mentionner son petit incident. Connaissant son paternel, ce n'était pas le plus intelligent à faire. Elle reprit alors, en écrivant lentement – le docteur Johnson lui avait certes enlevé ses attelles y a cela au moins un mois, ses doigts avaient encore besoin d'entraînement pour retrouver leur habilité d'antan – en suivant ce que son imagination lui dictait :

    ... ça été assez éprouvant pour moi. Je n'ai pas vu le temps défiler, et je suis désolée encore si je vous ai fait peur en restant silencieuse ainsi.

    Je suis hébergée par un Horribilis, un véritable vétéran du Nouveau Colisée. Cela m'étonnerait que tu le connaisses, mais il s'appelle monsieur Lyraispaix – Baptiste Lyraispaix –, dit l'Indomptable. Une véritable légende. J'ai eu beaucoup de chance qu'il ait accepté de vouloir m'entraîner et, sache-le, il n'y est pas allé de main morte au début. J'ai acquis son respect le jour où j'ai officiellement signé pour participer à un tournoi qui se déroulera cet été, au Nouveau Colisée.

    Ce que Laureline disait n'était pas complètement faux. Elle avait senti un léger relâchement dans son comportement au moment même où ils étaient sortis du bâtiment, sous le regard bienveillant de Gwenn Bleuzen. Les entraînements restaient longs et laborieux, certes, mais l'Indomptable ne semblait plus la considérer comme une moins que rien, plus comme une jeune paysanne perdue qui venait le déranger à deux reprises, un soir d'hiver.

    J'ai aussi fait la connaissance de ses deux autres élèves, eux aussi Horribiles : Morgane – avec qui je vais coopérer pour le tournoi de cet été – et Julien. J'ai appris à les connaître, même s'ils sont assez...

    Assez quoi ? Laureline ne parvenait pas vraiment à mettre un mot sur eux. Ils étaient... ils sont comme ça. Laureline n'y prêta pas attention au vacarme qui résonnait dans le couloir, près d'elle, trop absorbée dans l'écriture de sa lettre.

    ... atypiques. Je les apprécie bien, même si on peut dire qu'ils sont dans leur monde, et que j'ai plus de faciliter à dialoguer avec Morgane qu'avec Julien, mais ça, c'est une autre histoire.   

    Mes journées, comme tu as pu le comprendre, sont assez animées. Aujourd'hui, monsieur Lyraispaix m'a laissée quartier libre pour que je puisse me reposer un minimum. J'ai passé les derniers jours à perfectionner mon maniement des épées. Car, oui, Papa, je sais utiliser des armes maintenant. Ça t'en bouche un coin, hein ?

    Elle gloussa. Ses bras étaient engourdis à force de porter des doubles lames presque toute une matinée, et ses doigts étaient recouverts d'ampoules prêtes à exploser, ce qui lui était fortement désagréable pour tenir son crayon. Près d'elle, certainement dans le couloir, quelque chose – ou quelqu'un ? – tapa régulièrement sur ce qui semblait être le mur, mais Laureline n'y fit pas attention. Elle poursuivit :

    Vous me reconnaîtriez pas si je revenais de la capitale, Émilie, Noémie et toi ! Presque tous les jours, je cours le matin, je soulève des haltères et j'effectue des pompes, avant d'entamer un duel avec mon professeur. Parfois, Morgane nous rejoint, ce qui est assez amusant car elle est souvent à côté de la plaque et elle fait absolument n'importe quoi, au début. Il m'arrive d'être alors impliquée dans un duel, épée contre épée, et même s'il semble « maîtriser sa force », monsieur Lyraispaix me bat sans que je puisse lui infliger la moindre égratignure. Il est incroyablement puissant, et c'est un escrimeur hors-pair !

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant