8. exercĭtātĭo

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 — PLUS VITE ! tonitrua-t-il alors que le vent hurlait dans ses oreilles, les tympans prêts à exploser.

Laureline voulut hurler, mais seule une plainte aiguë et asphyxiée sortit de sa bouche. Comme son professeur lui avait demandé – enfin, plutôt ordonné – , elle accéléra malgré ses jambes torturées par la douleur et lourdes d'épuisement. L'humaine peinait même à respirer, pourtant, elle courait, encore et encore. Elle courait comme si elle avait le Diable à ses trousses, sans s'arrêter, même si son unique désir était de se laisser tomber en avant en fermant les yeux. L'humaine avait eu la très bonne idée de rassembler ses cheveux en une queue-de-cheval, avant de sortir du manoir.

Ce matin-là, sous les rafales de vent destructives, l'Horribilis l'avait amenée sur un immense terrain rectangulaire de cent vingt mètres de longueur pour quatre-vingts-dix mètres de largeur, entouré d'une piste de course en terre battue, dont l'intégralité se trouvait entre les murs de son jardin. Cet ensemble était accessible à partir de plusieurs chemins en gravier, qui serpentaient dans ce labyrinthe d'arbres, de buissons et de fleurs, et l'humaine savait bien qu'elle était incapable de rebrousser chemin jusqu'au manoir seule. Au centre, sur le terrain, Laureline avait pu admirer des accessoires d'athlétisme et de musculation divers, pour se donner à des sports comme le lancer du javelot ou du poids, le triple saut, le saut en hauteur, mais aussi l'haltérophilie.

Alors que l'humaine avait trépigné d'impatience à l'idée de saisir une barre à disques de plusieurs kilogrammes, les paroles de monsieur Lyraispaix l'avaient refroidie instantanément : aujourd'hui – enfin, au moins pendant deux heures –, ils allaient se consacrer à la course, c'est-à-dire le pire cauchemar de la jeune femme. Cela lui avait ramené d'amers cauchemars qui remontaient bien dans le temps, à l'époque où l'école de Belatelzia pouvait encore l'accueillir, du haut de ses six ans, où les uniques sports que les élèves – humains, bien évidemment – pouvaient pratiquer étaient en rapport avec la course : demi-fond, sprint, cross, elle eut même « la chance » d'avoir pu pratiquer la course de haies. Laureline en gardait des souvenirs assez désagréables, où elle se revoyait haleter et être forcée à s'arrêter pour ne pas tomber dans les pommes car elle manquait d'oxygène, devant les regards moqueurs des autres bambins. Elle avait beau avoir des facilités en littérature et en mathématiques, ainsi que quelques notions de l'art de la lutte et du combat, l'endurance n'était clairement pas son point fort.

Ainsi, après quelques pompes et quelques étirements, Laureline avait été condamnée à faire le tour de la piste, interminablement, avec l'Horribilis qui lui criait d'aller plus vite à chaque fois, qu'elle était aussi lente qu'un escargot mourant dont la coquille avait été écrasée par un homme imprudent. L'humaine ignorait combien de tours elle avait effectués, mais l'inévitable arriva : ses muscles cédèrent, et ses jambes endolories ne supportèrent plus son poids. Laureline tomba tête la première sur la piste, en sueur et haletante, incapable de se relever. Elle prit plusieurs atroces secondes avant de se retourner, même son dos la lançait. Sa poitrine était en feu, et elle espérait que chaque grand bol d'air contribuait à calmer l'incendie qui la consumait intérieurement. Le Soleil l'aveuglait, mais une ombre cornue apparut dans son champ de vision. Monsieur Lyraispaix se pencha vers elle.

— Que fais-tu ?

— Deux minutes, dit-elle d'une faible voix sifflante – même parler lui était devenu douloureux.

L'Horribilis la considéra du regard pendant un bref instant. Il déclara simplement :

— C'est d'accord.

Sa gorge était aussi sèche qu'un jardin oublié en pleine canicule, l'humaine fut incapable de le remercier, de lui glisser un simple « merci ». Des domestiques qui sortirent de nulle part pour lui amener une carafe débordante d'eau et un verre, elle eut assez de forces pour s'asseoir à même le sol et boire deux, trois, même quatre verres d'eau sans s'arrêter. Dans un soupir ravi, Laureline se laissa chuter une seconde fois en arrière, puis laissa tomber ses paupières. Mais ce ne fut pas l'unique chose que les domestiques venaient de lui apporter, cependant...

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant