11. victōrĭa

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 Laureline laissa l'eau froide couler le long de son corps brûlé et mordu par l'effort. Elle laissa échapper un petit soupir de satisfaction. Elle avait passé la journée à courir et, avant d'abréger ses souffrances, son professeur lui avait organisé une petite course de haies qui avait été loin d'être banale : il avait trouvé judicieux de mettre des obstacles qui devenaient de plus en plus hauts et plus complexes à franchir, au fur et à mesure de l'épreuve. Ses doigts étaient dans un état épouvantable, ils avaient enflé et étaient couverts d'ecchymoses colorées, des domestiques avaient dû lui retirer ses attelles et ses bandages pour éviter qu'ils se dégradassent avec l'eau, et Laureline avait eu du mal à retenir ses larmes pendant qu'elles lui avaient infligé cela tellement la douleur restait importante. En conséquent, des servantes attendaient à la porte de la salle de bain, qu'elle finît de se doucher, afin de lui remettre et passer à autre chose.

Dans la pièce, il y avait un miroir sur pied, plus long que large. L'humaine enfila lentement ses vêtements qui venaient à peine d'être lavés, et dut se retenir à demander de l'aide aux femmes qui étaient à son service. Quel enfer ! grogna-t-elle intérieurement en mettant son bandeau autour de la poitrine, puis son haut couleur beige qui accompagnait son pantalon noir charbon et ses chaussettes blanches. Après cela, Laureline tourna son regard vers le miroir, ses yeux s'écarquillèrent légèrement.

Elle effleura avec ses doigts encore valides les muscles qui commençaient à se dessiner, sur ses bras et ses jambes. L'humaine ne put se retenir de sourire en constatant qu'ils étaient durs. Elle commençait même à avoir des abdos, en relevant son haut. De plus, monsieur Lyraispaix avait déclaré qu'elle semblait courir bien plus vite qu'avant, et que son endurance s'améliorait. Enfin, même si ce n'était pas le cas, elle aurait bien six semaines pour mettre au point tout ça...

Laureline sortit alors de la salle de bain. Comme prévu, les domestiques étaient là. Une lui remit les bandages avant de placer ses attelles autour des phalanges, alors qu'une autre lui laçait ses chaussures en cuir. L'humaine retint un ricanement gêné. J'ai l'impression d'être une bourgeoise. Celle qui s'occupait de ses doigts blessés, qui venait à peine de terminer son travail, lui dit alors d'une voix terne :

— Monsieur Lyraispaix vous attend dans le salon. Ne le faites pas attendre davantage.

L'humaine hocha la tête et la remercia, assez troublée. L'Indomptable ne cherchait jamais à la voir en particulier, ils se voyaient qu'à l'heure du repas et pendant les entraînements, en réalité. Elle erra dans les couloirs à la recherche de l'escalier, le trouva et le dévala à toute vitesse. Laureline poussa les portes de la pièce principale du rez-de-chaussée, un peu patraque, et le retrouva assis dans ce même sofa, le regard perdu dans les flammes qui dansaient dans la cheminée. Des lueurs rougeâtres se reflétaient dans ses yeux, mais elles n'étaient pas assez intenses pour faire fondre les traits sévères de son visage. Laureline se décida à approcher, monsieur Lyraispaix posa immédiatement son attention sur elle.

— Assieds-toi, ordonna-t-il en désignant le fauteuil en face du sien, en tendant l'index.

Elle obéit. Le siège était plutôt confortable et bien moelleux. L'humaine vit une tasse de thé fumante sur la table basse, à peine entamée. Un long silence s'installa, alors qu'il avait le regard braqué sur la cheminée. Laureline devint rapidement nerveuse, elle qui n'était déjà pas rassurée d'être demandée si soudainement, d'une seconde à l'autre. Avait-elle fait quelque chose de mal ? À moins que...

Ah ! Je ne suis pas stupide à ce point. J'ai bien compris pourquoi il voulait me voir en tête-à-tête.

L'Indomptable l'observa de nouveau, avec ce même regard froid. Elle ravala sa salive. Finalement, il se décida à faire le premier pas :

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant