3. offensa

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 La gare se situait au cœur de la capitale. Pour rentrer en gare, la locomotive s'était mise à ralentir. La jeune femme avait l'impression de débarquer dans un nouveau monde, le visage collé contre la vitre.

Toute la ville était de briques, de fer, de cheminées et de fumée. Elle n'avait pas pu voir davantage, enfermée dans sa cabine, à cause des arbres qui longeaient la voie de fer. Laureline s'était empressée à sortir du train la première, elle en avait oublié de prononcer ses adieux à l'Horribilis. La jeune femme traversa le quai à grands pas, puis se retrouva dans la somptueuse gare qui n'avait rien à voir avec celle de la Briquette : la pièce principale était gigantesque, et faisait plusieurs mètres de haut. Un chandelier circulaire pendait au centre de la pièce, et le sol était de marbre marron. L'intérieur était décoré de statues qui représentaient des humains étrangement vêtus – c'était la première fois que Laureline voyait des membres de son espèce visualisés avec une longue toge pour couvrir leur peau, qui traînait au sol jusqu'à en cacher leurs pieds – et de grandes vitres laissaient passer la lumière naturelle dans la gare.

C'était bondé. Laureline dut se faufiler entre les hommes et les femmes pour sortir du hall. Elle avait l'allure d'une vagabonde tout droit sortie des tréfonds d'une ruelle peu fréquentable, et son style vestimentaire n'aidait pas : autour de ses robes somptueuses et ornées de détails, ainsi que ses costumes majestueux et sans défaut, les vêtements de la jeune femme étaient plus que miteux. Sentant le regard méprisant de certains, Laureline se couvrit de sa capuche comme si cela allait la faire disparaître à leurs yeux.

La jeune femme se retrouva dans une rue immense et fréquentée. L'asphalte, en son centre, s'étendait au loin et permettait à des véhicules que Laureline n'avait jamais vu, auparavant, de se déplacer. Bien évidemment, elle vit des charrettes traînées par des chevaux – elle en avait vu à de rares occasions au cours de sa vie, et ses bêtes puissantes ne lui faisaient pas peur –, mais d'autres chariots n'avaient pas besoin d'animaux pour fonctionner. Ses passagers étaient en leur sein – deux à l'avant, deux à l'arrière – comme des oiseaux piégés dans une cage dorée à quatre roues, et des tuyaux à l'arrière de ces choses produisaient un important panache de fumée blanche, ce qui les faisait mystérieusement avancer. Ces engins faisaient un bruit impossible à concevoir, et Laureline avait l'impression que chaque tressaillement de ces étranges véhicules allaient les faire exploser par la suite.

Les trottoirs étaient pavés et des lampadaires décorés de fleurs et de végétation se dressaient de façon régulière. Des bâtiments mitoyens bordaient les rues. Laureline se laissa errer au cœur de la capitale, la tête dans les nuages et les étoiles plein les yeux. Même d'où elle était, la jeune femme apercevait les cheminées de la partie industrielle de Valiroma, à l'Ouest. Elle se laissa guider vers le centre-ville, entre les humains et les Horribiles qui profitaient de cette claire journée – même si le Soleil était incapable de chasser la froideur de l'hiver –, où s'érigeait le bâtiment le plus célèbre de tout le pays, l'édifice qui la faisait rêver comme cauchemarder, les soirs où la fièvre l'avait mordue si hardiment...

Laureline posa son regard sur le Nouveau Colisée, et l'excitation tambourinait dans sa poitrine comme une timbale ivre de joie.

Le Nouveau Colisée était un bâtiment ovale qui se dressait sur plusieurs mètres de haut. Sa surface était recouverte d'arcs en pierre brute, qui marquaient les étages du bâtiment, des tuyaux dorés en dépassaient parfois. L'extérieur était impressionnant, mais qu'en était-il de l'intérieur ? Rares hommes et Horribiles traversaient ses larges portes en bois pour s'y engouffrer courageusement, devant le regard méfiant de deux gardes. Laureline fit un pas hésitant : qu'avait-elle à perdre, après tout ? La curiosité l'avait piquée, et elle n'avait qu'à traverser pour atteindre son ultime but.

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant