Elle était restée devant la porte pendant quelques secondes, hagarde, avant de réaliser ce qui venait de lui dire.
Comment ça, « non » ?! s'était-elle indignée, avant d'approcher sa main de la corde pour sonner une seconde fois. Pourtant, Laureline s'était ravisée, et avait fait demi-tour en pestant, avant de s'asseoir sur le trottoir en ignorant les regards intrigués qu'on lui avait lancés. Pendant des heures, la jeune femme s'était mise à réfléchir. L'Indomptable ne lui avait pas laissé le temps de le convaincre, devait-elle tenter de nouveau ? Non, elle ne devait pas attirer la foudre d'un Horribilis comme lui. Avec une certaine amertume lui serrant la gorge, Laureline était retournée au centre-ville.
Elle n'avait pas assez d'argent pour se payer une nuit dans une auberge. Sa première nuit à Valiroma allait se faire à la belle étoile, sous le froid mordant de l'hiver. Laureline avait tout juste assez pour se payer une baguette de pain et deux pommes. C'est cher, s'était-elle dit en donnant sa bourse entière au marchand contre son repas. C'est beaucoup trop cher.
Pourtant, Laureline n'avait pas le choix.
Elle ne sut pas où se réfugier, pour la nuit, alors elle resta devant le Nouveau Colisée, dans un parc qui lui faisait face, sur un banc inconfortable. Il faisait froid, atrocement froid, mais son esprit fulminait. Peut-être pourrais-je revenir, demain, mais en lui proposant plutôt mon aide en tant que domestique, pas élève... mais je ne suis pas venue ici pour nettoyer ses caleçons sales, bon sang ! Forcer ne servira à rien... et je ne veux pas me faire un ennemi... peut-être devrais-je demander un apprentissage par un autre professeur ? Mais qui ? Seul monsieur Lyraispaix me paraissait le plus...
Des sifflements l'arrachèrent à ses pensées. Elle leva la tête, et quelque chose lui écrasa le cœur pendant un court instant.
— Bah alors, poulette ? Qu'est-ce qu'on fait dehors seule, à cette heure-ci ?
Ils étaient quatre, tous humains, et tous avec ce même regard qui n'avait rien de bienveillant. Laureline plissa les yeux, les lèvres pincées. L'un d'eux se pencha vers elle – il avait l'haleine qui puait le rat crevé :
— Ça te gêne qu'on te tienne compagnie ? Il fait froid, va falloir se réchauffer un peu...
Elle les entendirent ricaner. Son cœur battait vite, mais Laureline resta la plus sereine possible. Je dois attraper mon couteau. Maintenant.
Un autre – un gringalet qui risquait de s'envoler au moindre coup de vent tellement il était maigre – prit la mallette de la jeune femme et remarqua, d'une voix insupportable :
— On est nouvelle, à ce que je vois ? Tu veux faire un tour de la capitale, pour visiter ?
— Lâche ça ! cria-t-elle, tout en lui donnant un violent coup de poing en pleine figure, Laureline entendit le nez de l'homme se casser.
Simple réflexe. La mallette rebondit sur le banc, puis tomba sur l'herbe sans s'ouvrir. Le temps s'arrêta pendant un court instant. L'homme recula en titubant et en gémissant, les mains repliées sur ses narines ensanglantées. Personne ne bougea, tous furent médusés.
— Merde, souffla Laureline, avant que l'un l'attrapât par le col, elle sentit la peur la gagner.
— Espèce de petite pute ! lui gueula le premier homme, devant la fureur des deux autres qui firent craquer leurs poings. Ça se voit que tu n'es qu'une traînée des campagnes ! Tu vas voir, on va te faire passer l'envie de faire ta maligne !
Mais il n'eut même pas le temps de la meurtrir, d'arracher la moindre pan de son vêtement. Un klaxon se mit à rugir, quelqu'un hurla, et un bruit assourdissant s'ensuivit. L'homme qui la tenait fut traîné en arrière, puis amené à terre avec brutalité. Il faisait trop sombre, Laureline ne comprenait pas ce qui se passait. Le deuxième, dans un hurlement, valdingua sur le côté et heurta quelque chose de solide – un banc ou un arbre, sans doute – alors que le troisième fut roué de coups à une vitesse folle, par quatre poings et quatre pieds. Il termina recroquevillé sur lui-même, sur l'herbe, en grognant et en pleurant, son propre sang coulait sur son corps.
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Laureline et le Nouveau Colisée
FantasyPour aider son père et ses plus jeunes sœurs, Laureline n'hésite pas à tout abandonner pour rejoindre la capitale, Valiroma, pour y faire fortune dans des combats féroces et périlleux, mélangeant humains et Horribiles, des êtres dotés de pouvoirs dé...