13. exordĭum

11 2 0
                                    

Julien ne semblait pas avoir oublié sa rancœur envers l'humaine. Laureline, elle, était parvenue à passer outre.

    Enfin, elle niait pas que certains de ses regards noirs lui arrachaient un frisson d'appréhension, mais l'humaine n'avait pas à les supporter toute la journée : le mâle était parti pour le Nouveau Colisée, à huit heures pétantes, un Seul contre Tous l'attendait. Entre autre, Laureline et Morgane pouvaient tranquillement s'entraîner toute la matinée sans croiser le regard de Julien qui les observait derrière un arbre, comme une personne aux pensées obscènes pourrait bien faire.

    Après des étirements et des pompes fastidieuses – quel Enfer de pomper avec des mains dans cet état ! –, l'humaine et l'Horribilis avaient fait leurs tours de piste quotidiens. L'endurance et la vitesse de Laureline n'étaient rien comparées à celles de sa nouvelle alliée, mais elle ne pouvait s'empêcher d'être fière d'elle-même en voyant qu'elle n'était plus essoufflée avant le troisième ou quatrième tour à présent. Elle avait dû s'arrêter de force au plein milieu de son sixième tour, les jambes complètement raides et révoltées, les poumons en ébullition et le corps recouvert de sueur, pendant que Morgane, elle, devait avoir dépassé la quinzaine de tours depuis cela longtemps. L'humaine sentit, à plusieurs reprises, un bruit rapide près de son oreille et un courant d'air s'écraser contre sa peau : quand l'Horribilis s'arrêta enfin, en poussant un profond râle et en se laissant tomber au sol, l'Indomptable déclara qu'elle venait de faire vingt-six tours en courant.

    — Tu aurais pu faire largement mieux, souligna monsieur Lyraispaix, alors que Laureline s'approchait de sa camarade.

    — Roh, ça va ! Je te parie de faire mieux que moi !

    — Même maintenant, je te bats à plate couture.

    L'humaine lui lança un regard sceptique, et laissa tomber ses yeux sur sa canne. Pour une fois, elle était bien convaincue que Morgane pouvait le battre sur la course de fond. La femelle tua un sifflement et se redressa brusquement – Laureline entendit toute sa colonne vertébrale craquer lourdement –, puis rétorqua d'un ton amusé :

    — Quand tu veux, Baptiste ! Tu sais mon record, hein, dis ? Fais mieux que moi, et on verra !

    — À l'époque, je faisais bien une cinquantaine de tours sans ralentir, rétorqua-t-il calmement. Ce n'est pas ton record de trente-sept tours qui m'impressionne. Enfin... écoutez-moi deux minutes, toutes les deux.

    Elles le regardèrent sans rien dire. Laureline arbora une expression sérieuse, et Morgane une moue perplexe. L'Indomptable joignit ses mains sur le pommeau de sa canne et poursuivit :

    — Après le repas, nous irons au Nouveau Colisée pour récupérer Julien. J'en profiterai pour soumettre vos candidatures pour le prochain tournoi de Tandems Mixtes de cet été.

    — Mais c'est dans longtemps, lança Laureline, nous avons le temps pour faire ça, non ?

    — Il vaut mieux s'y prendre à l'avance. Les places y sont limitées, et vu que les candidats viennent du monde entier... les cent places s'embrasent comme des feuilles dans un feu de forêt.

    — Je vois.

    — Comment ça, on brûle des places ? renchérit la femelle en plissant les yeux, sa queue fouettant l'air derrière elle.

    — C'est une expression. Je veux dire que les places dans le tournoi sont souvent saturées et que, si nous n'y prenons pas à l'avance, vous ne pourrez pas participer cet été au tournoi.

    — Ah.

    — Assez parlé, grogna-t-il avant de leur faire signe de le suivre jusqu'au terrain en gazon. Nous avons un entraînement à poursuivre.

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant