21. pulvis

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 À la veille du tournoi, Laureline était tellement tourmentée qu'elle décida de sortir faire un tour. De toute façon, ce n'était plus au manoir qu'elle aurait pu trouver un peu de tranquillité, de plus, elle n'avait plus de livres à lire et elle avait exploré le moindre mètre carré du jardin.

Aujourd'hui, c'était censé être la fin du calvaire des deux Horribiles. L'humaine ne le niait pas : ils étaient bien plus silencieux que ces derniers jours, cela était vrai – et qu'est-ce que ça faisait du bien ! Mais malgré tout, Morgane ne se montrait peu en public, et monsieur Lyraispaix refusait de faire sortir Julien pour l'instant, ce qui agaçait son élève.

— Il est encore sur les nerfs, s'était défendu l'Horribilis en ignorant complètement le regard noir de l'humaine. Je le ferai sortir dans la soirée, pour être sûr que tout soit revenu à la normale.

Laureline soupira amèrement en fermant la porte d'entrée du manoir. La chaleur était écrasante et les cigales lui cassaient les oreilles. Sa bourse en poche – elle avait encore de quoi se faire plaisir, tout de même –, l'humaine se dirigea vers le centre-ville, sans véritable intention. En réalité, elle faisait plus cela pour s'éviter de trop penser que le lendemain, elle allait devoir se retrouver dans l'arène.

Cela l'excitait comme l'angoissait. Ce qui préoccupait Laureline, surtout, c'était la prestation de son équipière : était-ce vraiment dérangeant d'avoir manqué une semaine d'entraînements ? Morgane n'était pas comme elle, après tout. La rigueur qu'un humain devait s'imposer pour garder une certaine force, Laureline imaginait que les Horribiles trouvaient cela plus comique qu'autre chose.

Elle ne lança pas le moindre regard en direction du Nouveau Colisée. Le centre-ville était bien agité, aujourd'hui, le beau temps attirait la population comme une lampe attire les papillons de nuit. Laureline se mêla à ces vagues humaines en espérant ne pas être reconnue. Elle erra dans les rues sans véritablement savoir où aller. L'humaine aurait pu se perdre entre les rayons de cette librairie étriquée tenue par cette grand-mère solitaire, mais elle n'avait pas la tête à ça. Elle appréhendait beaucoup trop son combat de demain, en partie à cause de Morgane, mais aussi parce qu'elle allait se retrouver face à Guilhem, et le peu qu'elle avait pu voir de lui lui donnait des sueurs froides.

Son regard se perdit sur les vitrines des magasins qui défilaient lentement devant ses yeux, au rythme de ses pas. Guilhem était redoutable, et elle se douta que son alliée fût de la même gamme. Ils avaient prouvé leur valeur à tous les spectateurs, mais aussi aux concurrents qui les craignaient. Ce n'était plus comme au tout début, où les forts étaient mélangés avec les faibles... s'ils étaient parvenus aux quarts de final, c'était pour une bonne raison. Les choses sérieuses débutaient donc, et ça rendait Laureline nerveuse.

Et dire que je me retrouve encore avec Mathieu et Clara entre les jambes, se dit-elle en fronçant les sourcils, les mains dans les poches de son pantalon – elle sentait sa bourse et les quelques pièces qui lui restaient ricocher contre sa paume droite, alors qu'elle admirait des viennoiseries derrière une vitrine richement décorée. Ses yeux s'arrêtèrent sur une pyramide de profiteroles. Son ventre gargouilla. Laureline mourait de faim, mais son estomac était trop noué pour faire passer quoi que ce fût.

Une main se posa sur son épaule. Laureline sursauta avant de virevolter, tout en lâchant un cri de surprise.

Tess la fixa avec de grands yeux, avant de rigoler. Lucas, lui, refaisait le cri de l'autre humaine, en le rendant encore plus ridicule – on aurait dit une poule atteinte du rhinopharyngite. Laureline posa une main sur sa poitrine, où son cœur tambourinait toujours aussi fort, puis elle sourit maigrement.

— Je ne voulais pas te faire peur, confia l'autre humaine en donnant un coup de coude à son coéquipier qui ne cessait de jacasser.

— Ce n'est pas grave. Vous allez bien ?

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant