16. occīdo

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Le jour tant attendu arriva enfin.

    Laureline avait quasiment pas dormi, l'angoisse ne lui avait pas laissé une seconde de répit. Une servante toqua à sa porte à l'aurore. Quand elle avait descendu l'escalier, elle avait retrouvé l'Indomptable et Morgane – à moitié endormie –, au centre du hall d'entrée. L'humaine s'était forcée à manger quelque chose avant de se préparer pour le début du tournoi.

    Monsieur Lyraispaix lui avait offert la tenue traditionnelle des combattants humains : un pantalon en toile d'un blanc cassé, avec une protection en cuir au niveau des genoux, ainsi qu'une chemise jaunâtre surmontée de plaques – aussi en cuir – à l'abdomen, au dos, aux épaules et aux coudes, qu'il fallait attacher à l'aide de cordelettes et de boucles. La tenue se complétait avec des bottines épaisses.

    Alors qu'elle ajustait les plaques de cuir à l'aide de sangles, l'Indomptable s'était absenté un maigre instant. Il était revenu avec un énorme coffret plus long que large, entièrement fait de bois, absolument pas décoré, qu'il avait posé à ses pieds, avant de s'agenouiller et de relever le couvercle dans un grincement abominable. L'humaine n'eut pas le temps de regarder à l'intérieur, ni même de poser de questions.

    — Les combattants humains sont contraints de ramener leurs propres armes, avait renseigné l'Indomptable sans la regarder, les yeux rivés sur l'intérieur du coffre. Le Nouveau Colisée ne prête qu'à de rares exceptions des armes. Regarde.

    Monsieur Lyraispaix avait tourné le coffre vers elle. Le regard de Laureline s'était braqué sur une paire de lames courbées qui ne payaient pas de mine, au premier abord... mais l'une d'entre elle avait émis une étrange lueur, au contact avec les rayons du Soleil qui avaient pénétré la pièce. Laureline avait eu l'impression qu'un crépuscule était piégé dans le métal, son cerveau encore amorphe n'avait pas encore fait le lien.

    — Cette lame est tout à fait basique, avait continué l'Indomptable en prenant en main les armes, en désignant celle dans sa main gauche, faite d'un acier basique, mais l'autre... elle est en propimantine.

    En propimantine, s'était répétée mentalement Laureline, qui n'arrivait pas à y croire. Elle s'était laissée faire quand son professeur avait fait coulisser les épées dans les fourreaux collés à ses hanches. Monsieur Lyraispaix lui avait adressé un dernier sourire – un sourire sincère ? – avant de dire :

    — Considère cela comme un présent, mais aussi comme un moyen de dissuasion face à l'adversaire. Tu n'as pas intérêt de me décevoir.

    Oh, non, je vous décevrai pas, ne fit que se dire Laureline alors qu'elle était au cœur de l'arène, aux côtés de Morgane, entourée des autres participants. Il ne devait même pas être neuf heures du matin, et la chaleur tapait déjà fort. Les cris et les applaudissements éclataient dans tous les sens, et les murs de l'arène faisaient caisse de résonance : l'humaine avait peur de faire face à son premier ennemi avec une violente migraine.

    L'Indomptable devait être quelque part en haut, en train de les observer dans son silence habituel. Cette pensée la malmenait plus que le fait qu'elle ne pouvait plus du tout faire machine arrière, à présent. Julien devait être là, lui aussi, plus pour Morgane que pour l'humaine. Laureline vit monsieur Bleuzen, aussi, en face d'eux, droit et stoïque devant cette cacophonie interminable. Il était correctement rasé, sa chevelure était soigneusement coiffée, et son costume était impeccable.

    En tout, il y avait trente-deux équipes, et en conséquent soixante-quatre participants. Les Horribiles étaient facilement remarquables, pas uniquement grâce à leurs cornes et leur queue, mais plutôt grâce à leur longue robe verte qui ressemblait plus à un t-shirt à manches courtes beaucoup trop grand qu'un géant de contes de fée pourrait bien porter, qui s'arrêtait en dessous de leurs genoux. À quoi bon s'habiller convenablement ? Leurs vêtements allaient finir en miettes. Autant être entièrement nu, à ce stade-là.

Laureline et le Nouveau ColiséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant