Nouvelle ère

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Si quelqu'un m'avait dit que j'allais être heureuse dans ma vie, sachez que j'allais lui rire au nez pour la simple et bonne raison que je n'allais pas y croire.
La fille métisse de Tann Nana qui n'avait que les os et la peau? Non.
J'étais la jolie fille perdue qui ne pouvais jamais manger à sa faim. À la mort de Tann Nana, j’étais devenue la proie des hommes du quartier, la petite orpheline sur qui jeter son dévolu.
Combien de fois ai-je dormi le ventre collé à mon dos, me tordant de douleur qu'ont provoqué les gaz accumulés durant des jours sans rien mettre dans mon estomac?
Combien de proposition ai-je reçu en échange d'un plat de riz et d'une boisson gazeuse?
Ma pauvre vie était comme la grande majorité des haïtiennes. Nous sommes livrées à nous même car nous avons eu le malheur de ne pas être né dans une famille aisée.
J’étais loin du "Dark Skin"*, je n'avais pas connu mon père, ni même un membre de ma famille de la race blanche dont j'ai hérité cette couleur de peau, elle m'a été imposée et je n'ai jamais pu en tirer avantage.
Cette histoire que les métisses en Haïti ont plus de chance de réussir que les autres n'est pas applicable à tous, ma vie en était la preuve.
Je n'ai jamais tenu ma mère en rigueur sur cette vie qu'elle m'avait imposée, pourtant, j'avais des rêves.
Mon imagination était débordante lorsque j’étais petite. Je rêvais d’étudier le journalisme et de passer à la télé car ce monde me fascinait. Mettre les gens au courant sur ce qui se passait à travers le pays et le monde entier, être la première à tout savoir et partager l'information, ce qui me plaisait par dessus tout c’était l'apparence des journalistes, toujours tirés à quatre épingles et l'aisance qu'ils dégageaient derrière le petit écran.
On n'avait pas la télé à la maison mais Ton Guy qui tenait la borlette du quartier en avait un qui ne s’arrêtait jamais.
Tous les jours, je forçais mes yeux à regarder à travers les points noirs qui obstruaient la netteté de l'image.
J'ai abandonné l’idée de pouvoir devenir une journaliste vers la fin de mon adolescence, où mes seins commençaient à apparaître à travers mes t-shirts.
J'avais connu ce garçon, Mario, que je rencontrais à l'insu de ma mère près de la station d'essence. Il était responsable de remplir les tap-taps et avec l'argent que le chauffeur lui payait, il m'offrait parfois des bonbons, un bracelet en fil tressé ou encore il me donne une part de son gain tout simplement.
Mario était mon premier et unique petit ami, mais il avait disparu sans que personne ne sache où il était passé.
Une semaine que je me rendais à la station, espérant le voir mais c’était en vain.
Je n'avais pas le temps d’être triste pour lui car ma mère mourut tout de suite après et je me suis retrouvée seule parmi une bande de vautour affamée de mon corps.
Réflexions faites, je devrais coûte que coûte finir dans le bordel de Gino. Après ce viol, je n'avais aucune autre issue, aucune échappatoire, sinon il aurait déjà envoyé quelqu'un m'assassiner si j'avais osé lui tenir tête, ou bien j'aurais bien pu mourir de faim.
Cette vie devrait m’emmener là où je me trouvais. Tous les périples que j'ai réussis à surmonter m'ont amenés au haut de la colline du Nord, dans cette jolie maison chaleureuse. C’était le destin qui voulait me faire croiser la route de cette personne, qui, depuis qu'elle m'a connu a été mon ange gardien.
Viola Johanna Perez, son nom sonne bien, mieux qu'Aline. Je ne me souviens même plus de mon nom de famille, ma mère était une Mathieu, peut-être est-ce aussi le mien, Aline Mathieu, c'est moche. Un jour je serai Aline Perez, là ce serait parfait. Un petit sourire s’échappe de mes lèvres et je me blotti contre la femme qui dormait à mes côtés.
Viola n'aimait pas trop dormir, disant qu'à sa mort, elle aura tout le temps pour se reposer.
Mais c’était avant moi, avant que je ne partage ses nuits, aspirant toutes ses forces. C'est sa faute après tout, elle est trop sensuelle et j'ai toujours envie d'elle. Des nuits torrides à nous aimer sans penser au lendemain, sans être interrompu. Un partage d'amour entre deux êtres qui s'aiment et qui ne passent pas un moment sans se le dire.

Voilà une bonne demi-heure que je me suis réveillée, admirant le visage reposé de ma bien-aimée. Elle est toujours calme et ne parle que si ce qu'elle doit me dire est important, contrairement à moi qui suis une pipelette.
Je passe une main sur son visage et essaye de déchiffrer à quoi elle rêvait, à moi, peut-être. Je passe ma jambe au milieu des siens et reste concentrer sur les traits de son visage et remarque un sourire étiré ses lèvres. Enfin, elle est réveillée.
Décrire Viola est pour moi impossible car, de son apparence simple et parfois négligé, elle a au fond d'elle un charme incroyable, un charme luxueux. Elle est le genre de personne qui d'un simple regard, peut capter ton attention. C'est ainsi qu'elle m'a eu.
- Tu es matinale toi.
Sa voix me sort de mes pensées.
- Pour une fois que j'ai la chance de t'admirer dans ton sommeil.
- Le spectacle t'a plu?
- C’était mieux que je ne l’imagine.
Elle souri et me prend dans ses bras en m'embrassant les cheveux. Ce geste est mieux qu'un baiser, elle me réconforte.
Aucune personne avant elle ne m'a donné cette sensation de plénitude et de sécurité. Avec Viola, j'ai toujours la force de tout affronter.
- On a une journée chargée aujourd'hui on ne peut pas faire la grasse mâtiné. Me dit-elle en se levant.
- Qu'est-ce qu'on va faire? Lui dis-je perplexe tout en me levant à mon tour.
- Surprise.
- Je n’aime pas les surprises, allez dis-moi Vi.
- Tu joues la carte du petit surnom mignon, je te vois venir, je ne te dirai rien.
- Je t'en supplie ma chérie d'amour. Lui dis-je en prenant une mine innocente
Elle s'approche de moi et mon cœur fait sa petite danse de victoire, mais je suis déçue quand elle dépose un  chaste baiser sur ma joue et me soulève, je croise mes pieds derrière son dos, puis elle nous dirige vers la salle de bain.
J'essaye de deviner ce qu'elle a prévu toute la durée de la douche, mais son corps nu sur lequel ruisselaient les gouttelettes d'eau  m’empêchait de me concentrer.
On n'a jamais pu prendre une douche sans se bécoter. Viola est trop sensuelle et je ne peux pas lui résister, pas quand elle est si près de moi, que ses yeux m'invitent et surtout, avec sa manière de me toucher. Je suis insatiable d'elle.
Après notre moment de complicité sous la douche, Vi me passe des vêtements qui se résument à un t-shirt noir trop grand pour moi et un legging. Elle n'a pas pu s’empêcher de se moquer de moi dans cet accoutrement, ce qui m’agaçait, on ne va pas se le cacher.
- Ne t'en fais pas, tu es ma petite clocharde à moi.
- Rigole bien qui rigolera la dernière. Lui dis-je en faisant la gueule.
- Tu es sûre que c'est cela qu'on dit?
- Je m'en fiche.
Elle se moqua encore plus de moi, tenant cette fois son ventre qui lui faisait des crampes à trop rire. Je n'aime pas qu'on se moque de moi et je lui donne une bonne baffe sur la tête. Ce qui la calme un peu et je souri en lui faisant une grimace, trop fière de moi.
- Allons-y.

Chronique de ViolineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant