Quand le passé nous rattrape

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Mon histoire n'avait rien de spéciale, enfin jusqu'à ma rencontre avec une belle jeune femme au bout d'une ruelle sombre.
Je suis la clichée des filles de baron du sucre de la République Dominicaine.
Mise au monde par une mère aimante mais malheureuse et un père qui n'avait pas de temps à me consacrer à cause de son travail, je pourrais vous raconter la joie d'être une fille unique et gâtée par ses parents, mais je ne voyais pas en quoi c'était une joie. J'ai été envoyée en pensionnat dès mon plus jeune âge, exilée des bienfaits de l'enfance, de l'adolescence, en vrai, je passais à côté de ma vie en générale.
Quand on passe tout ce temps dans un pensionnat religieux pour jeune fille, il y a trois scénarios possible à la sortie, soit on devient bonne sœur, soit une femme docile facile à manipuler ou comme dans mon cas, une lesbienne endurcie qui se fout de tout.
Mon nom est toujours Viola Johanna Perez. Certains me demandaient souvent pourquoi "Viola" ? Je pourrais bien leur répondre (allez vous faire foutre) mais j'étais trop bien-élevé pour dire des gros mots alors je répondais juste que le violet était la couleur préférée de ma mère. 3 fois sur 5, on me demandait à nouveau, mais pourquoi pas Violetta? Et c'est à ce moment précis que j’utilisais  mes gros mots.
Dans ma jeunesse, j’étais une tornade vivante que seul l'alcool et les jolies filles pouvaient arrêtées.
Aux yeux des charmantes sœurs du pensionnat, ma vie n'était qu'une succession de déception . Je me souviens de cette phrase que je répétais à qui voulait bien m'entendre: "il n y a pas plus bandant qu'une sœur en colère". Elles avaient parfois envie de me montrer ce dont elles étaient capable, m'insulter ou me punir, mais la peur les empêchaient, la crainte d'échapper au paradis après la mort leur faisaient ravaler les propos jugés impures qui pourraient surgir de leurs lèvres si parfaites.
À l'exception de Maria, mon ange déchue, ma presque copine. Je garde en mémoire le souvenir de son regard de braise qui me méprisait avec toute la force dont elle était dotée.
Je vivais ma folle vie de jeune femme à 17 ans, avec ma compagne de chambre qui était aussi ma copine de l'époque, quand Maria a remplacé la sœur Jose, devenue bien trop vieille pour sa lourde tâche de surveillante.
J'avais passé l'année à lui faire voir de toutes les couleurs jusqu'à être tombé sous son charme, ce qui m'a d'ailleurs assagi.
Maria a toujours vu une âme pure en moi, (malgré tout), ne pouvait-elle s'empêcher d'ajouter. Oui, car être une femme, en aimer une autre, et une femme de Dieu de surcroit, j'étais parfaite pour l'enfer. Mais à force de se côtoyer, se chercher et surtout se retrouver, elle est parvenue à se faire une autre opinion de moi, sans jamais me comprendre, ni la comprendre elle-même en ma compagnie.
Ce baiser unique volé puis rendu puis partagé a été la preuve de notre attirance, pourtant, ce fut la seule. J'ai longtemps regretté être tombé sous son charme car ce fut la cause de son départ, pour ne jamais revenir.
Maria savait qu'elle devrait choisir entre Jésus et moi, ce poids était bien trop lourd pour elle. L'égoïste que j'ai été, que je suis toujours, ne voudrais pas partager. J'aurais joué des mains et des pieds pour qu'elle soit mienne, pour rentrer dans une église et défier dieu, lui lancé en pleine face que je lui avais volé sa meilleure servante, moi, une ridicule humaine. Mais mon égo surdimensionné avait pris un coup, ce matin pluvieux, où sa main sur la vitre du taxi qui la ramenait au couvent me disait au revoir, sa bouche qui réclamait mon pardon et ses yeux desquelles coulaient une pluie d'amour, cet amour impossible, qui mourut par l'éclaboussure d'une flaque d'eau rejoignant les larmes qui trempaient déjà mon uniforme.
Je ne suis pas fière de mon passé, la seule chose que j'aimerais dire à l'ancienne moi c'est d'attendre. Une relation ça se construit et se vit, il n'y a pas que la passion enivrante de deux corps perdus parmi les draps qui fera accroitre l'amour. Ce sont les efforts quotidiens, l'acceptation des défauts de l'autre et surtout le partage.
Sœur Maria m'a appris à aimer mais c'est Aline qui m'a permis de l'aimer, sans condition. Ah! ma succulente présentatrice de télé! Je la garderai près de mon cœur dans cette quête. On dit souvent loin des yeux, loin du cœur, moi je dis loin des yeux, encore plus près du cœur.

Chronique de ViolineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant