Suite

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J'essaye de me lever du lit car j'avais remarqué le verre d'eau que l’infirmière m'avait apporté avant tout ça, posé sur le bord de la fenêtre.
J'avale mes médicaments et effectue des petits pas pour habituer mon corps à la mobilité. Pas question de rester clouer au lit alors que j’étais exposée aux insultes gratuites.
Dans le calme de la chambre, alors que j’étais debout face à la fenêtre qui donnait sur la rue, la porte s’ouvrit dans un fracas et une Viola rouge de colère rentrait en enfilant le moindre truc à moi qu'elle trouvait à sa porté dans un sac et me dit que nous allons partir.
- Pourquoi? Non, on ne peut pas partir comme ça.
- Ne discute pas Aline. On ira autre part.
- Mais on est bien ici.
- Putain tu veux te faire insulter plus longtemps? Merde tout le monde ici nous regarde de haut comme ci nous n’étions rien...
- Arrête Viola... Stop.
Des larmes commencèrent à couler sur mes joues. Je ne l'avais jamais vu aussi en colère avant. Je me retourne pour qu'elle ne remarque pas ma peine.
- Va-t’en. Lui dis-je d'une petite voix enrouée.
- Qu'est-ce que tu me fais Aline, ces gens nous regardent mal, ils nous insultent et n'en ont rien à foutre de nous.
- Sors... Criai-je à son encontre.
- Aline...
- Tu reviendras quand tu te seras calmé.
Quelques minutes plus tard, j'entends la porte qui se refermait doucement et les  pas de Viola qui faisaient grincer le plancher. Je me laissai tomber sur le lit, la tête  sous mon oreiller pour étouffer mes cris. Des heures plus tard, aidée des antidouleurs, je tombe dans un profond sommeil, en pensant à Viola.
La femme qui était tellement sensible, un peu vague sur les bords mais soucieuse de mon bien-être et de mes proches s'est transformée en quelqu'un de susceptible. Sa colère a été tellement violente qu'elle n'arrivait plus à se contrôler. Je savais bien qu'elle cherchait à me protéger, mais Viola devrait savoir que j'aimais me faire respecter par mes propres moyens.
Tard dans la nuit, je m’étais faite réveillée par une nouvelle infirmière, plus jeune et  mille fois plus souriante que la précédente. Elle m'aide à me rendre sous la douche puis à m'habiller, elle me donne mes médicaments et le souper de l’hôpital qui se résumait à du pain au beurre et du thé de gingembre.
Elle me demande de me reposer et me souhaite de passer une bonne nuit. Je la remercie puis me décide de m'accouder sur le rebord de la fenêtre afin de regarder ma ville, plongée dans le noir, dû à l'absence d’électricité publique.
Je me demandais ce que pourrait bien faire Viola à cette heure. Depuis notre dispute, elle n'est jamais revenue durant la journée, peut être qu'elle ne s’était pas encore calmée.  Ne trouvant plus rien à faire, je prends le dépliant publicitaire de l’hôpital et ma lecture entraîna mon sommeil.

Une nuit sans perturbation, un lendemain radieux. La même jeune infirmière me réveille doucement, elle m'apporte le déjeuner et les médicaments, m'ordonne de prendre une douche et de changer de robe puis elle reparti.  Ma routine du matin étant effectuée, je ne voulais pas me résoudre à me rendormir. Je rappelle l’infirmière qui accoure à ma rencontre en quelques minutes, elle me propose de m’emmener à la salle de cinéma commune, j’acquiesce et la suivi. Je m’étais fourvoyé sur ce que mon infirmière appelait salle de cinéma. Il n'y avait qu'une petite télé et un câble canal+ qui diffusait une série pour enfant. Moi qui voulais regarder les nouvelles, j’étais mal barré. Mais à force de regarder, je développais un intérêt particulier pour la série. A l'heure du dîner, tous les enfants qui étaient dans la salle partirent avec les infirmières, j’étais seule et je pouvais enfin regarder ce que je voulais au départ. Je suivais de prêt le débat entre le journaliste et un ancien sénateur lorsque mon infirmière m'apporte un plat de riz au pois accompagné d'une sauce au poulet. Je la remercie chaleureusement et englouti tout le contenu dans un temps record. Elle me propose ensuite d'aller marcher à l’arrière de l’hôpital, nous débouchons sur une petite place assez bien aménagée. Elle fait mine de partir mais je la retiens.
- Restes avec moi.
- J'ai d'autre patient à visiter.
- Rien que 5 minutes, je t'en prie.
- D'accord.
- C'est quoi ton nom?
- Regina mais tout le monde m'appelle Miss Gina.
- Bah, merci Miss Gina.
- Parce que je suis resté? Mais ce n'est rien.
- Si, tu peux me croire, ça signifie beaucoup pour moi.
- Ah non! Je vous arrête tout de suite, j'ai un petit ami et je ne suis pas... Vous savez... Pas comme... vous.
- Je dis juste cela par gentillesse. D'ailleurs moi aussi, je suis en couple, et je l'aime plus que ma vie, donc je ne vois en toi qu'une gentille infirmière.
- D'accord... je suis désolée pour ma collègue. Elle n'est pas du genre tolérant avec les gens comme vous. Je n'arrivais pas à la croire quand elle nous racontait ces trucs que vous faisiez avec l'autre femme.
- Je ne cherche absolument pas à ce qu'elle soit tolérante, juste qu'elle fasse son boulot.
- Vous aussi, hein, vous ne devriez pas faire des trucs pas sains ici.
- Pas sain?
- Oui tu sais... Vos trucs de ciseaux là.
- Mais Viola ne faisait que m'embrasser.

Je n'arrivais pas à croire que la première infirmière ait menti sur notre compte. Je  peux enfin comprendre la colère de ma copine.
- Tu sais quoi, je ne veux plus entendre un mot sortant de ta bouche.
Je lui tourne le dos et rentre directement dans le bureau du médecin qui m'auscultait.
- Je veux rentrer chez moi.
- Premièrement bonsoir, puis si j'avais su ce que vous faisiez dans la chambre, je vous aurais déjà laissé partir. C'est bien que vous soyez là, signez ça puis partez.
Je signe rapidement le papier et lui dis avant de partir : - Ma femme et moi ne faisions rien dans cette chambre d’hôpital. Ce n’était pas l'envie qui manquait, mais elle me respecte trop pour vouloir profiter de moi à peine sorti du coma. Vous êtes médecin, je vous croyais assez ouvert d’esprit pour comprendre que votre infirmière avait tout inventé car elle n’était qu'une vieille cruche dégarnie, une homophobe sans scrupule qui ne méritait pas l’énergie de Viola. Gardez votre foutue hôpital et vos infirmières à la noix, vous ne valez même pas la peine que je m’énerve.
Je claque ensuite la porte derrière moi puis je me rends à la chambre, j'enfile des vêtements propres et sors de l’hôpital, la tête haute et le sourire aux lèvres, à petit pas car je ne m’étais pas totalement remise.
J'avais longtemps entendu parler du mot "Proud", je découvrais enfin sa vrai signification. C’était la fierté d’être qui nous étions envers et contre tous et le choix de vivre pour soi même, sans se soucier de l'opinion des autres.
En passant devant toutes ces messes basses, ces regards pesants, j'avais envie de m'envoler, au milieu de ces ignorants, leur prouver qu'entre Viola et moi il n'y avait rien d’illégal, rien de dégoûtant ou de condamnable, ce n’était que de l'amour, du respect et beaucoup de tendresse, ceux-là que personne d'autre n'avait pu me procurer auparavant. J’étais amoureuse d'une femme belle, intelligente et j'en étais fière.

Chronique de ViolineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant