Chapitre 26

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Le week-end suivant, pluvieux, nous décidions de nous rendre au centre commercial. Nous allions manger au restaurant préféré d'Adélaïde.

Alors que nous errions dans les allées bondées de monde, je ressentis un malaise m'envahir. Une terrible sensation d'étouffement comparable à mes "anciennes" crises d'angoisse. Identique à une peur qui vous paralyse le corps et qui vous empêche de garder un comportement rationnel et calme. Comparable à une victime fuyant un tueur en série et ne trouvant aucune autre solution illogique que de se cacher dans le placard de la chambre.

C'est alors qu'une force invisible, identique à celle qui m'a accompagnée tout au long de mon coma, semblait vouloir m'attirer et me guider vers un endroit bien précis. J'étais alors comme télécommander à distance et je ne contrôlais plus mon corps ni mes mouvements. 

Mes jambes ne m'appartenaient plus.

Marie remarqua mon changement d'attitude et me questionna. je lui répondis que je ne me sentais pas bien et que je devais me rendre aux toilettes en urgence.

Un silence de mort régnait, il n'y avait apparemment personne.

Je me sentais de plus en plus mal, mes blessures de l'accident me faisaient atrocement souffrir, j'avais l'impression que mon corps brûlait depuis l'intérieur.

C'est alors que j'entendis des gémissements sourds.

J'eus le fort pressentiment qu'il s'agissait des plaintes d'un enfant.

La force me stoppa devant l'une des portes.

Une rage intérieure et inexpliquée monta rapidement au fur à mesure que les gémissements laissaient ressentir une douleur certaine.

La porte verrouillée ne me résista pas un seul instant.

Approchant ma main de la poignée, elle s'ouvrit comme par magie sans même y avoir toucher. Un court instant, je réalisais la puissance de mes nouveaux pouvoirs.

Mon esprit était sali d'images et de visions insoutenables.

Une de plus.

Ce que je vis m'affligea un terrible coup de poignard entre les deux omoplates dans une douleur inconnue. Je m'attendais, d'une seconde à l'autre, à m'effondrer.

Une petite princesse à peine plus haute et plus insouciante que mon Adélaïde était sur les genoux d'un pervers dégueulasse et lâche. Il tenait la petite de sa main gauche et son autre main était plongée dans son slip. Il avait la tête penchée complètement en arrière plaquée contre le mur. Ce gros porc gémissait tellement de plaisir qu'il ne s'aperçut même pas que la porte s'était ouverte.

En revanche, je n'oublierais jamais le visage de la petite fille en me voyant apparaître. Je lisais sur son visage une détresse amplifiée par une panique qu'elle ne pouvait plus maîtriser. Une "effrayante frayeur" s'emparât de son visage quand ses yeux rougis me fixèrent comme si un fantôme lui était apparu.

Je compris immédiatement qu'un sentiment de culpabilité et de honte malgré son petit âge l'envahissait. Dans mon esprit, je tentai de la rassurer et un surcroît de colère monta en moi.

Je porta immédiatement ma main au cou de cet homme et il redressa la tête juste le temps de m'apercevoir et ses yeux disparurent en un éclair, ils devinrent tout blancs. Il tomba sur le côté mort. Sa tête percuta violemment le mur latéral gauche dans un bruit sourd et sec. La même terrible souffrance que je ressentis en touchant les enfants dans mon coma s'empara de mon corps. Cette fois ci, je pris une vie humaine et je ne comprenais pas.

Je rattrapa, in extremis, la petite fille qui était sur le point de tomber. Elle me serra si fort avec ses petits bras que je sentis son coeur, sur le point d'éclater.

Je l'accompagna jusqu'à la sortie des toilettes et j'entendis alors les cris de détresse d'une maman. Sa maman.

Des cris de désespoir, différents de tous les autres cris. Je pensais alors à mon ami, l'inspecteur de police Gonzalez, poussant les mêmes cris de désespoir, que cette pauvre maman anéantie, quand son Rosario disparut.

Je lui glissa tendrement dans l'oreille:

"Vas-y ma princesse, tout est fini, vas rejoindre ta maman qui te cherche"

Elle me regarda une dernière fois avec ses yeux rougis et fila à toute vitesse dans le couloir la séparant de sa maman.

«Une maman terrifiée qui ne retrouve plus sa fille» m'a dit Marie en me revoyant revenir des toilettes.

Je vis cette maman affolée, passer près de moi. La détresse sur son visage me glaça le sang. Sa petite fille était là, revenu d'un cauchemar vivant, paraissant sans vie, n'arrivant même plus à crier le "Maman" salvateur qui la délivrerait de ce mal à jamais enfoui en elle.

J'eus à ce moment envie de crier de toutes mes forces mais nous étions deux à ne plus pouvoir extérioriser l'atrocité et la souffrance qui nous rongeait.

Un petit ange innocent était sauvé mais meurtri à tout jamais. Encore un.

RosarioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant