Les dieux sont versatiles ; ils volent autant aux humains qu'ils leur donnent en retour.
Les humains sont rancuniers ; tôt ou tard, ils voleront aux dieux à leur tour, et ils ne leur donneront rien.
Parole de l'Oracle
Une grande salle s'était creusée spontanément dans l'espace reconfigurable du Commandement. Réseau-Raven. Des colonnes art déco renforçaient ses hauts murs d'acier, soutenant une voûte invisible sur laquelle s'étendait une vue de l'espace, de sorte que le Commandement paraissait être un vaisseau en route vers les étoiles. Elles étaient fort nombreuses sur cet horizon inatteignable, séparé d'eux par des gouffres gigantesques et en perpétuelle expansion. Des galaxies entières dont l'Omnimonde n'entendrait jamais parler, qui n'avaient jamais entendu parler de lui ; des myriades d'astres impropres à la vie, qui faisaient de la Voie Lactée l'unique cité almaine plantée au milieu d'un désert infini.
Odin, soleil du système, généreux pourvoyeur de lumière pour la planète Danion – autrefois villégiature de Diel – et sa voisine Raven, se situait au centre de cette nuée d'étoiles comme un empereur environné de courtisans. Une certaine confiance paraissait émaner de lui, tandis que l'œil anxieux du Commandement virtuel se braquait sur lui.
Tanak se trouvait au milieu de la salle, entouré d'une foule d'alephs de toutes formes, parfois si transparents qu'on pouvait passer au travers. Leurs percepts étaient remontés le long des autoroutes d'information du Réseau, convergeant ici pour observer Odin, et avant lui, un hologramme immense représentant l'Omnimonde connu, qui clignotait sous leurs yeux attentifs.
Sven-Astres, supérieur de Tanak dans le Commandement Réseau-Raven, et sans doute l'aleph le plus important du Réseau qui ne fût pas une super-intelligence, avait pris une forme androgyne. Ol portait des vêtements noirs parsemés de liserés rouges. Toute son apparence trahissait l'inquiétude.
Les Stratèges, super-intelligences aleph chargées de la planification, de l'évaluation, des calculs et de la mise en œuvre des plans, avaient décidé pour Omn d'une ultime épreuve. Pour leur prouver sa valeur, le dieu proclamé n'avait rien à faire, sinon se montrer juste, quand il prédisait l'extinction des étoiles.
Une petite tache brunâtre apparut au centre d'Odin. Les alephs avaient placé l'étoile sous surveillance, au crible de leurs téléscopes et de leurs spectromètres, et une avalanche d'informations déferla sur l'assemblée interdite. La chute de luminosité était locale, mais uniforme, comme si l'on diluait quelque chose devant Odin : l'espace devenait opaque à ses rayons. De nouvelles sondes furent lancées en direction du soleil ; des drones se sacrifièrent dans ses vapeurs plasmatiques pour observer le phénomène de plus près. On aurait dit qu'un voile se soulevait devant Odin pour lui ravir sa lumière. Mais ce n'était pas le cas. Le voile était en lui. Quelqu'un enchaînait cet astre tel Prométhée, et ses chaînes étaient indissociables de sa chair.
La zone d'occultation s'étendit jusqu'à embrasser les contours du soleil. La salle s'assombrit et à l'exception d'un maigre cercle jaunâtre, le Commandement devint un sépulcre illuminé par l'hologramme géant, sorte de fantôme faits de schémas connectés. Mille systèmes planétaires. Mille étoiles.
Quand Tanak reposa ses yeux sur l'image, il vit qu'un soleil avait disparu.
Puis un deuxième.
La carte se mettait à jour à mesure que l'information leur parvenait. Elle circulait entre des balises laser à la vitesse de la lumière ; il faudrait plusieurs heures, un jour peut-être pour que les astres s'éteignent d'un bout à l'autre de l'Omnimonde. Mais déjà des messages d'alerte s'épinglaient sur l'hologramme, formant une vague rouge qui roulait sur tous les systèmes.
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Nolim VII : L'Extinction des étoiles
Fantasy== Dernier livre dans la série Nolim == LE DERNIER JOUR EST VENU. Le Second Déluge s'abat sur l'univers et, cette fois, il emportera tous les conscients, tous les empires, tous les mondes. Quand tout aura été consommé, un nouvel univers verra le jou...