Partie des rivages lointains de l'Océan Primordial, l'Ombre se répandit dans tout l'univers.
Après avoir occulté Odin, le soleil de Raven, Alcyon, le soleil de Leto, Sol, Sven, le soleil de Mondor, mais aussi le soleil de Palm, la terre de Ki, Ferval, Sol Rems, Sol Lazarus, Daln, et tous les autres mondes habités, l'Ombre rampa jusqu'aux confins les plus isolés de l'Omnimonde.
Aucun astre n'échappait à l'Ombre, et le dernier d'entre eux fut Sol Magedôn.
Christophe était arrivé quelques temps plus tôt sur cette planète inhabitée. Il s'était traîné entre les arbres géants, plantés à intervalles réguliers dans une terre orangée, et s'était laissé tomber contre un de ces troncs noirs, couleur de charbon, qui émettaient une étrange chaleur. Cinquante mètres plus haut, des méduses flottantes, montgolfières naturelles produisant leur propre air chaud, s'accrochaient au sommet des troncs pour les rogner.
Il les regardait passer.
Christophe n'avait pas fait le moindre mouvement depuis son arrivée. Depuis qu'il avait emporté l'âme d'Aléane, celle-ci alourdissait sa forme astrale, et se lever lui aurait demandé de grands efforts. Ce n'était pas impossible. Mais une immense lassitude, contrecoup de milliers d'années d'une quête insensée arrivée à son terme, avait porté le coup fatal.
Christophe vit l'ombre des troncs s'étendre et s'élargir. Il leva la tête vers Sol Magedôn et constata que son disque jaunâtre s'obscurcissait. Agitant le bras, comme s'il s'agissait de chasser un moucheron, il lança en direction du ciel :
« Toi, là-haut, qui que tu sois, ôte-toi de mon soleil ! »
L'Ombre ne répondit pas. Elle n'était pas consciente de sa présence. Elle n'avait même pas besoin de conscience. Ombre, Reine de l'Oubli, n'était qu'une bouche somnambule cheminant à travers la Création, semblable à une baleine endormie dont les fanions filtrent encore le plancton.
Minuscule figure humaine perdue parmi les arbres, Christophe n'était pas visible depuis le ciel, ni depuis l'espace. Il lui manquait le bras droit. Jamais cet homme surgi de la plaine rouge répandue aux pieds d'Our, qui avait affronté les oracles, les dieux et le destin, n'était tombé aussi bas. Car l'extension de sa route n'avait fait que repousser un échec inévitable, tel ce voyageur qui tente mille détours pour franchir un fleuve en crue. Millénaire après millénaire, il s'était cru en mesure de sauver Aléane de son destin, alors qu'il en était le seul responsable. De lui apporter la paix, alors que cette paix signifiait la mort. Rien de plus, rien de moins.
Il avait connu toutes les facettes du désespoir. Il ne lui restait plus que l'apathie.
Christophe, pourtant, n'avait jamais été aussi puissant. Dernier mage d'Arcs de cet univers avec Crysée, ultime mage des Noms, il aurait pu soumettre des mondes en un claquement de doigts. Il aurait pu créer cet empire éternel que les Mille-Noms désiraient autrefois. Si toutefois il avait décollé son dos de cet arbre confortable.
Cependant, l'Ombre, tout comme les méduses volantes qui pompaient la sève des arbres, poursuivit son festin.
« Ôte-toi... de mon... soleil ! » cria Christophe sur un ton plus proche d'un client éméché raccompagné à la sortie d'un bar, que d'un demi-dieu capable de traverser les rêves et de fracasser des montagnes.
L'Ombre ne l'entendit pas.
Magedôn présentait toujours la même face à son soleil et Christophe, qui ne ressentait pas le sommeil, aimait la fixité monotone de ce monde sans saisons, de cette forêt prise dans une journée interminable. Il y avait là une forme de paix qu'il affectait particulièrement. C'était un endroit idéal pour oublier le reste de l'univers.
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Nolim VII : L'Extinction des étoiles
Fantasy== Dernier livre dans la série Nolim == LE DERNIER JOUR EST VENU. Le Second Déluge s'abat sur l'univers et, cette fois, il emportera tous les conscients, tous les empires, tous les mondes. Quand tout aura été consommé, un nouvel univers verra le jou...