L'architecture des villes de Leto, l'ingénierie des vaisseaux de l'Empire, leur organisation, tout cela en dit bien plus sur les Gharíen qu'ils ne nous en apprendront eux-mêmes.
Rapport confidentiel de la Division 1, 2350
Le transport annoncé par Rygor était une navette de fret. Ils attendirent en apesanteur dans la baie de stockage, un seul cylindre creux dont Sunday put apprécier le volume écrasant. Jamais les ingénieurs alephs de la Conférence n'auraient osé concevoir un appareil de cette façon, avec un unique estomac capable d'engloutir un autre vaisseau à lui tout seul. Ils avaient hérité des débuts de l'ère spatiale une certaine propension à la frugalité. C'est pourquoi les vaisseaux de la Conférence étaient toujours aussi étriqués que des sous-marins, tandis que les Gharíen s'autorisaient un gigantisme confiant.
Rygor et les trois gardes gharíen ne dirent pas un mot de tout le trajet. La large vitre percée dans la panse du transporteur se montrait suffisamment loquace.
Le pont d'Arcs orbitait autour d'Alcyon. Occulté, le soleil du système faisait peine à voir, réduit à une couronne rougissante. Mais les myriades de structures alentour reflétaient encore assez de lumière pour être visibles de cette distance. Les Gharíen avaient construit tout un anneau autour d'Alcyon pour absorber sa précieuse énergie radiative. En captant un millionième, peut-être un millième de la puissance de l'étoile, l'Empire pouvait emmagasiner une énergie capable de détruire une planète tellurique. Des armes effrayantes, bien au-delà du bouclier Égide interdit par les conventions de la Conférence, avaient sans doute vu le jour dans ce système.
Des armes que les Gharíen n'avaient encore jamais employé en conditions réelles.
Peut-être ont-ils peur de nous, songea Sunday, ce qui aurait été un renversement ironique de la situation.
La navette suivit ce qui semblait être une route entre Alcyon et Leto, faite d'une longue traîne de vaisseaux gharíen en attente. Sunday se mit en devoir de compter les croiseurs un par un, puis elle se contenta d'estimer le nombre d'escadres. Malgré l'interdiction formelle des machines conscientes, les Gharíen employaient une force de travail automatique largement supérieure à la Conférence ; car la Conférence ne s'armait pas pour la guerre, au contraire de l'Empire.
Il y avait, sous ses yeux, tout ce qu'elle désirait. Tout ce que désirait Omn. Une armada interstellaire encore jamais vue dans l'Omnimonde. Si tous ces vaisseaux étaient équipés pour la guerre, leur tonnage dépasserait celui de la Division 1 de deux ordres de grandeur ; leurs équipages formeraient à eux seuls la population d'un petit pays terrien.
« Vous me montrez cela pour m'impressionner » dit Sunday en se tournant vers Rygor.
Le Gharíen flottait avec une aisance inalmaine. Race amphibie, les gharíen nageaient dès leur naissance, et l'apesanteur ne les dérangeait nullement.
« Si c'est le cas, reprit-elle sans attendre sa réponse, vous avez réussi. Je suis admirative. La puissance de l'Empire est à la mesure de sa réputation.
— Qui vous prouve que tout ceci est réel, que cette vitre est une vitre, et non un écran savamment dissimulé ?
— Il n'est plus temps de se mentir, ni de se cacher quoi que ce soit. Vous êtes bien la première force interstellaire de l'Omnimonde, et c'est tant mieux.
— Même si nous venions à anéantir la Conférence des Planètes ?
— Quoi qu'il arrive, elle est déjà anéantie. À l'heure où nous parlons, seul le système Raven, Rems à la rigueur, sont encore sous contrôle, et les évacuations se poursuivent. »
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Nolim VII : L'Extinction des étoiles
Fantasía== Dernier livre dans la série Nolim == LE DERNIER JOUR EST VENU. Le Second Déluge s'abat sur l'univers et, cette fois, il emportera tous les conscients, tous les empires, tous les mondes. Quand tout aura été consommé, un nouvel univers verra le jou...