37. Magedôn

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La nuit s'étant abattue sur l'Omnimonde, Sol Magedôn était la dernière étoile.

Et comme la planète tellurique présentait toujours la même face à son soleil, elle aussi vivrait un dernier jour d'une durée indéfinie, jusqu'à ce que les dieux portent un coup fatal à l'horloge du Temps.

Un grand silence occupait la passerelle du Carlsson. L'hologramme tactique s'était étiré au maximum pour englober toutes les positions de l'Armada. L'amiral Bertram se trouvait au centre, mains jointes dans le dos, les épaules basses, comme alourdi par sa position. Les officiers debout formaient des rangées décoratrices, parmi lesquelles Reida prit place sans un mot. Les pilotes avaient lâché tous leurs outils de commande ; le vaisseau dérivait seul en pilotage semi-automatique.

Éléana fut la dernière à entrer et se cacha à l'ombre de la scène, dans l'espoir d'échapper aux regards.

« Nous venons de recevoir les derniers ordres de bataille, annonça Bertram. D'ici quelques heures, une armée va surgir tout autour de nous. Nous n'en connaissons pas encore la nature, car c'est une décision qui appartient aux dieux maudits responsables de l'extinction des étoiles. Mais nous pouvons prévoir qu'il s'agira de machines physiques, dotées de capacités finies. Des adversaires qui peuvent être battus.

Selon Omn, ils viennent pour trois choses. Sol Magedôn, l'Orbe et nous-mêmes.

L'Orbe est notre seule chance de réussite à long terme. Mais cette arme a besoin d'une énergie considérable pour fonctionner ; c'est pourquoi il doit être plongé dans la chromosphère de l'étoile. L'absorption totale requiert pas moins de cinq heures standard. Le processus doit se poursuivre jusqu'à son terme pour que l'Orbe puisse être activé, et mettre fin à la bataille.

Le système Égide est en train d'être déployé en protection autour de Sol Magedôn. La Division 1 forme la troisième ligne. Elle est séparée en deux hémisphères, sous commandement du Carlsson et de l'Antartica. La flotte du groupe de Rems forme la deuxième ligne. Les Sept Armées de l'empire gharíen forment la première ligne, dont le champ englobe la planète tellurique. Toutes ces flottes sont accompagnées d'escadres de drones-étoiles pilotés par des alephs du Réseau. »

Un personnage almain naquit dans l'hologramme. Un des alephs pilotant le vaisseau, ou peut-être un Stratège. Ces distinctions n'avaient plus guère d'importance.

« Amiral-sen, la préparation de l'Orbe a commencé.

— Excellent. Affichez l'image. »

L'oursin plongeait dans les flammes du soleil. Celles-ci s'écartèrent à son approche, repoussées par des champs magnétostatiques. On aurait dit que l'Orbe soufflait sur le plasma pour l'écarter, lui qui recherchait la chaleur plus intense des braises nucléaires.

La première moitié de l'oursin disparut de leurs regards, happée par la surface de l'étoile. C'était un mariage de raison dont les deux partis, se rencontrant pour la première fois au bal, mesuraient la nécessité, tout en s'autorisant toute une lenteur théâtrale, du baisemain à la première danse.

Aux alentours, Sol Magedôn vomit une série d'éruptions, comme si le fiancé se révélait allergique au parfum de sa promise, mais poursuivait la danse jusqu'au bout tout en rougissant comme une écrevisse cuite.

L'Orbe creusait toujours. Il prenait sa place au cœur de la fournaise, quitte à lui causer une légère indigestion. Le plasma se reforma au-dessus de lui. Seuls des relevés gravitationnels indiquaient désormais sa présence. Il descendait patiemment dans les abîmes infernaux, tel Dante empruntant un ascenseur de service.

Nolim VII : L'Extinction des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant