PDV : Rania
Quatre mois ont passé depuis mon entrevue avec Monsieur Moulin et le capitaine, mais pour l'instant je n'ai aucune nouvelle. Je ne sais pas si je dois m'inquiéter ou non, mais je prends tout de même mon mal en patience.
Un jour, subitement, des nazis défoncent la porte de chez moi comme des fous, lorsqu'ils me voient, un homme s'approche de moi, en hurlant en allemand :
— Frau Abbas, durch das Reichsrecht müssen wir Sie ins Lager in Drancy bringen !
Avant que je ne puisse réagir, ils me conduisent à l'extérieur, plaçant sur mon buste une étoile jaune. Mon cerveau commence à marcher à plein régime, le seul mot que j'ai compris est Drancy... Si je me souviens bien, c'est un camp qui se trouve à Paris, ils m'escortent jusqu'à une voiture, avant de démarrer et de rouler à pleine allure. Après quelques minutes de trajet, nous arrivons à Drancy, ils me jettent à l'intérieur du camp.
« Que s'est-il passé ? Sont-ils au courant pour moi ? Est-ce qu'une personne a remarqué quelque chose et a décidé de me vendre ? »
Je remarque aussitôt le nombre important de déportés, il doit peut-être y avoir des centaines de milliers de personnes dans ce camp. Des enfants, des femmes, des nourrissons, des hommes. Il y a même des étrangers tels que des Tsiganes.
Une petite fille s'approche de moi timidement, celle-ci est magnifique, je souris gentiment, avant de m'accroupir face à elle. Elle possède de longs cheveux bouclés et blonds, des yeux bleus, elle doit sûrement être âgée de sept ans :
— Bonjour, lui dis-je.
— Bonjour, Madame. Vous venez tout juste d'arriver ?
J'acquiesce de la tête, avant de lui enjoindre d'une voix douce :
— Où sont tes parents ?
— Je ne sais pas, ils ont été emmenés dans un camp de travail il y a un mois... Et ils ne sont toujours pas revenus... répond la petite, les yeux emplis de larmes.
Sans réfléchir, je pose une main sur le haut de sa tête.
— Tout ira bien, je suis sûre et certaine qu'ils sont en sécurité et qu'ils se portent très bien.
Elle s'empare de ma main et me dit d'une petite voix mélodieuse :
— Vous avez raison, au fait je m'appelle Marie, et vous ?
— Rania et je suis heureuse de faire ta connaissance, Marie.
C'est alors que des soldats nazis arrivent pour nous forcer à quitter le camp. Marie faillit trébucher plus d'une fois, je la prends dans mes bras pour éviter qu'elle ne tombe, les soldats nous obligent à nous diriger vers tout une troupe de personnes. Les seuls mots qu'ils prononcent sont « Schneller als das ! ». Marie est paniquée, ses yeux se posent sur moi, avant de prendre une voix tremblante pour me demander :
— Où allons-nous ?
— Je ne sais pas, mais je te promets de ne jamais te lâcher ! lui répondis-je.
Les nazis nous emmènent dans plusieurs fourgons, nous sommes tous serrés de la même manière que des sardines, je ne peux pratiquement plus respirer, nous nous marchons littéralement dessus ! Après quelques minutes de trajet, les soldats nous extirpent des camions avant de nous conduire dans un wagon qu'on utilise pour le bétail depuis le terminal du Bourget. Nous sommes les uns sur les autres, debout, ne pouvant plus déplacer un seul petit doigt. Après deux heures de trajet, je sens des personnes qui ne peuvent plus se retenir de faire leurs besoins sur eux.
Après quelques heures, les nazis nous font sortir des wagons et je remarque que nous sommes à la gare de Bobigny. Un autre wagon arrive, comme tout à l'heure ils nous obligent à monter dans les wagons et comme tout à l'heure nous sommes à nouveau serrés.
Quant à moi, je serre comme je peux la petite Marie contre moi pour éviter qu'elle ne se fasse écraser par les autres déportés. Elle est terrifiée et je peux sentir ses tremblements. Cette fois-ci, le voyage n'aura pas duré quelques heures, mais trois jours, sans manger ni boire, et sans pouvoir nous soulager. Les plus faibles d'entre nous, malheureusement, mourront lors du trajet, souvent par déshydratation.
Au bout de ces trois jours interminables, le wagon s'arrête et quelques minutes après, des soldats arrivent pour ouvrir la grande porte et nous forcent tous à sortir du wagon. Je me rends compte que nous ne sommes plus en France, vu la neige qui tombe. Mais ce qui me terrifie le plus c'est la taille du complexe qui se trouve devant nous. Il y a en tout trois camps, mais avant que je puisse analyser un peu plus, la voix d'un soldat allemand qui parle français retentit :
— Pour toutes les personnes fatiguées et malades, vous avez des camions à disposition, ils vous emmèneront aux camps beaucoup plus rapidement !
Beaucoup de personnes âgées montent dans les camions, des mères donnent leur bébé à leurs parents pour qu'ils puissent eux aussi se diriger vers les camions. Suivant mon intuition, je décide de ne pas y aller et de garder la petite Marie auprès de moi. Puis un soldat allemand se dirige vers moi, voulant protéger Marie, je la place derrière moi.
— Êtes-vous la mère de cette enfant ?
— Oui, je lui réponds sans aucune hésitation.
— Alors, allez avec le groupe des familles ! réplique-t-il brusquement, tout en nous traînant vers l'attroupement.
Tandis que les groupes sont constitués, nous marchons encore quelques minutes pour arriver dans une gigantesque cour. Puis, sans que je comprenne pourquoi, de nombreuses femmes nazies nous séparent de nos enfants et nous mettent à nu. J'essaie de me débattre, mais des soldats allemands m'immobilisent pour que les femmes puissent me déshabiller plus facilement. Leur tâche accomplie, une honte immense m'envahit, savoir que des femmes et des hommes peuvent me voir nue me donne l'envie de me cacher au plus vite et de ne plus jamais revenir !
Beaucoup de mères demandent à ces femmes où se trouvent leurs bébés, ou encore de jeunes adultes veulent savoir où sont leurs parents. La réponse des femmes qui s'occupent de nous me glace le sang :
— Vous apercevez ces cheminées un peu plus loin ? Eh bien ils sont là-dedans en train de brûler !
C'est impossible ! Enfin, personne ne peut être à ce point cruel et sadique !
Un mélange de honte, de tristesse, de peur et de colère monte en moi. Tout cela est tellement intense que je ne sens même pas le tatouage au fer rouge sur l'intérieur de mon poignet, alors que nous sommes rasés de la tête aux pieds. À ce moment, une phrase me vient en tête.
Pitié, Seigneur, aidez-nous !
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A Travers le temps. Tome 4. L'âge Des Pharaons. Corriger
FanfictionRania est une femme discrète et observatrice, mais elle ne sera pas gâter par la vie, car elle vécut la seconde guerre mondiale. Elle vécut le camp de concentration d'Auschwitz, mais aussi les Américains qui la libérèrent. Mais ce qu'elle ne sait pa...