Serendipity n°33

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20 Septembre 1949

Depuis que nous l'avions fais, cette nuit là, Taehyung et moi étions encore plus proches, si cela était possible. Le soir, nus dans mon lit, après s'être unis pour la énième fois, on se regardait dans les yeux jusqu'à s'endormir. On avait même été voir le coucher du soleil dans mon jardin. 

C'était moins bien que dans le sien mais j'étais heureux de le faire avec lui même si à cause des haies on ne voit rien. Depuis les vacances que nous avions passé ensemble, avec nos familles bien sûr, nous n'avions plus regardé de coucher de soleil paisiblement, il y avait toujours quelque chose. 

Alors que ce soir par exemple, il a pris une pomme en main, puis la mienne dans l'autre, et m'a traîné dans le jardin, on s'est assis dans l'herbe l'un à côté de l'autre, comme avant. 

Au travail, on est plus complices que jamais, Monsieur Hyuk n'a même plus besoin de nous parler. C'était comme si cette nuit là, et toutes les autres qui ont suivies, nous rapprochaient un peu plus à chaque fois. Je prend un peu de lui et lui un peu de moi. J'aime cette idée même si c'est super niais.

Il a sorti un canif de sa poche et à couper des petites tranches de la pomme qu'on s'est alors partagé. On parlait de tout et de rien, on ne parlait pas des choses dont on aurait dû parler.

En dehors de ma bulle avec Taehyung, tout ne se passait pas si bien que ça. Les journaux avait publié que de nouvelles frictions sont à déplorer à la frontière entre mon pays et celui de Taehyung. Depuis, les gens ne parlaient plus que de ça. 

Le bruit couraient que le gouvernement et l'armée se préparaient en vue d'une possible guerre. 

Et ça, avec Taehyung, on en parlait pas. 

Il y a peu, j'ai reçu une lettre de ma mère, Haneul est tombée malade à l'école. Elle m'explique que d'après le médecin il s'agit d'une mauvaise grippe. J'essaie de ne pas y penser, mais ma sœur ne tombe quasiment jamais malade et quand ça arrive, ce sont toujours des trucs carabinés. 

J'essaie de ne pas y penser. Et pour la première fois, je trouve que mon addiction à Taehyung est très bénéfique. Quand il est dans les parages, je n'arrives pas à penser à quelque chose qui ne soit pas en rapport avec lui. 

"Et si je lui faisais un thé ? Peut-être qu'il a faim ? J'ai envie qu'il me fasse un câlin."

On pouvait dire que j'étais carrément addict à Taehyung, je ne savais pas si lui aussi ressentait ce besoin quasi contant d'être ensemble. Peu importe ce que l'on fait, je veux juste qu'il soit là...






Junghyun, assis sur le matelas poussiéreux sur lequel son grand-père dormait autrefois, il refermait le journal en se frottant les yeux. Il venait de passer plusieurs heures à lire. Il devenait complètement obsédé par cette histoire. 

A tel point qu'il n'arrivait plus à pensé à autre chose, il voulait à tout prix découvrir ce qu'il s'était passé, comment s'était conclue l'histoire. 

Il se leva du matelas, ses jambes étaient pleines de fourmillement au point où il ne tenait plus très bien debout. Il coinça la photo de Taehyung dans le journal en guise de marque-page et ouvrit la malle qu'il avait ouverte au début de cette aventure. Il n'avait commencé qu'il y a quelques semaines et il avait l'impression de perdre également la notion du temps. 

Junghyun avait la sensation de littéralement vivre deux vies en une.

Il en sortit un feuille jaunie. les quelques mots griffonnés dessus le hantait par dessus tout.

Sur cette feuille, c'était comme si le dénouement de cette histoire était sous son nez mais qu'il refusait de le voir.

"Viens avec moi..."

Junghyun reposa la feuille au fond de cette malle qui paraissait bien vide et il la referma d'un coup sec.

En descendant les marches des escaliers, Junghyun aperçu son grand-père en train de rêvasser devant la cheminée, là où étaient posées les photos de famille, parmi elles, on pouvait voir Jungkook, âgé d'une trentaine d'années, une femme à ses côtés et un enfant dans ses bras, dans un autre cadre, toujours son grand-père, quelques années de plus sur le visage, avec lui sur ses genoux, et encore quelques cadres vieillots avec des photos du même genre...

Et la photo en noir et blanc d'une petite fille, souriante, de longues nattes descendant sur ses épaules et une robe blanche. Il lui manquait une incisive...

-Qu'est-ce que tu fais grand-père ? -demanda-t-il.

-Je ne sais pas où la mettre... -dit-il doucement, se parlant plus à lui-même que pour répondre au jeune homme.

En baissant les yeux, Junghyun le vit avec cette photo entre les mains. 

Celle de Jungkook et Taehyung, lors de sa première sortie en ville, celle où ils partaient ensemble en vacances... "Eté 1949".

-Ici ça serait bien non ? -demanda Junghyun en décalant l'une des photos sur le côté gauche afin que cette nouvelle photo soit au centre de la cheminée.

-Hm, cela me parait être une bonne idée. -dit-il avec un petit sourire.

Depuis que Junghyun farfouillait dans le passé de son grand-père, ce dernier semblait plongé dans une profonde nostalgie très souvent, pour ne pas dire tout le temps. Comme si, lui aussi, il revivait les moments qui l'ont façonné...

Quelques heures plus tard, Jungkook et Junghyun, tous deux posés chacun dans un fauteuil, après que le repas eu prit fin, ils regardaient distraitement le feu ronfler dans la cheminée. 

-Dis moi grand-père, j'ai une question... -dit doucement Junghyun.

-Je t'écoute. -répondit le vieil homme simplement.

-Que sont devenus Hoseok et Seokjin ? 

-Hoseok s'est engagé dans l'armée un peu après le début de la guerre... Il n'en est jamais revenu. -dit-il, la gorge nouée- Quand à Jin, il s'est marié avec Jihyo au printemps finalement, la météo était trop froide pour faire la cérémonie à l'extérieur, il a vécu avec elle et a été très heureux. Il sont eu des enfants qui ont eu des enfants à leur tour... Puis il est mort de vieillesse, dans son sommeil il y a une dizaine d'années maintenant... Il ne reste que moi.

Junghyun déglutit difficilement, son grand-père en parlait avec un tel détachement, que ça semblait encore plus douloureux que si il avait fondu en larmes subitement.

-Tu sais Junghyun, une fois que tu auras lu ces journaux, garde-les. Je n'en veux plus.

-Quoi ? Mais pourquoi ? Ils te tiennent pourtant à cœur.

-Je me fais vieux, cette année, je vais fêter mes cent ans... A ma mort, qui sera là pour se souvenir de moi, de Taehyung, de ce qu'on a vécu



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