Chapitre 30

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Alcooliques anonymes

La première séance de Hunter s'annonçait mal. Autour de lui, différents individus étaient installés en cercle, dont le mentor avide de témoignages constructifs. Le pompier participait à ce groupe de parole contre son gré. Retrouver Lauren constituait sa seule priorité. Plus vite il se soignait, plus vite il se déclarerait. Il subissait donc les monologues de ses compagnons d'infortune avec la boule au ventre. À chaque minute écoulée, il vérifiait l'heure en consultant sa montre. Ce cauchemar ne prendrait-il jamais fin ?

— Quelqu'un d'autre veut intervenir ?

Hunter fit tressauter ses jambes. Il savait qu'il ne restait que lui. Il s'attarda sur la foule puis poussa un profond soupir. Il s'ennuyait tellement ici ! Décidément, il n'était pas prêt à se livrer. Encore moins à avancer...

— La parole est libre. Nous sommes là pour vous.

Après ces confessions ridicules sur l'addiction sexuelle, celle des jeux au casino puis la cigarette... que pouvait-il ajouter à cela ? Sa vie demeurait banale. Une plaie du cœur, un manque de confiance, de la paranoïa, plusieurs blessures pour noyer son chagrin dans l'alcool. La bouteille avait été sa meilleure alliée durant ses moments de solitude. Se confier à ses proches se révélait déjà compliqué, parler à cœur ouvert à des totales inconnus ne l'aiderait en rien.

— Hunter ? Vous voulez participer ?

Troublé, Hunter fixa du regard le mentor, celui qui rentrait chez lui chaque soir enrichi de nouvelles histoires à raconter. Sa confiance, il devrait la mériter.

— Non, merci.

D'ailleurs, l'humilier en public lui faisait perdre plus de points qu'il n'en gagnait. Hunter s'amusa à examiner la pièce sous tous les angles. En réalité, l'endroit en lui-même accentuait sa déprime. Les murs décolorés, la fontaine à eau miteuse, les gâteaux durcis et les badges qu'affichaient fièrement leurs propriétaires. Tout lui donnait la nausée. Il eut envie de claquer la porte à cette opportunité, aussi importante était-elle. Mais Lauren se rappela à son bon souvenir et monopolisa ses pensées. Il les quitta quand brusquement, il reçut un coup de coude de la part d'une trentenaire obèse.

— Ben vous parle.

Surpris, Hunter faillit lui renvoyer la pareille en lui cassant les côtes. Il se contrôla toutefois lorsque le dénommé Ben lui posa une question intrusive :

— Comment avez-vous eu connaissance de notre établissement, Hunter ?

— J'ai consulté l'annuaire, rétorqua-t-il, du tac au tac.

— Vous souhaitez en discuter ?

— Toujours pas.

Avec un sourire forcé, le pompier mit fin à la conversation. Le mentor avait beau cumuler l'expérience, il ne l'impressionnait pas. Il en faudrait plus pour qu'il accepte de divulguer la vérité. Surtout s'il lui forçait la main...

— Je peux dire un mot ? s'interposa Franck, un quinquagénaire rachitique.

— Allez-y.

— Vous savez, Hunter, Ben est là pour nous mettre à l'aise. Les premières séances sont toujours très difficiles. Mais une fois qu'on a compris que personne ne nous juge, tout va bien !

— Ah ouais ? ironisa le concerné.

— Je fume depuis l'âge de quinze ans. Je me sens vraiment en confiance ici pour en parler librement.

— Génial.

Hunter ne se sentait définitivement pas dans son élément ici, auprès des faibles et des illuminés. Pour autant, n'était-il pas lui-même abattu au point de chercher un quelconque réconfort ? Sinon, pourquoi s'échinerait-il à visiter ce centre pour dépendants ? Le pompier eut un goût amer dans la bouche. Épuisé, il se ratatina sur son siège. Il avait décidé de ne plus s'opposer à qui que ce soit, au risque d'échouer lamentablement.

Attends-moi [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant