Chapitre 14

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Une semaine plus tard

Hunter vidait son stock d'alcool dans la solitude la plus totale. La sensation familière du liquide brûlant sa gorge le galvanisait. Ainsi s'enchaînaient les verres devant cette télévision au contenu aussi insipide que sa triste vie. Les jours défilaient avec le même rituel : il sacrifiait son temps libre à gâcher sa santé. Hannah le bombardait de messages auxquels il ne répondait pas. Inconsciemment, il rejetait les autres et nourrissait son sentiment d'abandon.

Hunter ne se projetait plus à long terme. Il vivait au jour le jour au rythme de ses cuites. Il se saoulait la journée, cuvait le soir et vomissait la nuit. Cette routine demeurait désormais son quotidien. Les rares femmes qui s'échinaient à chercher sa compagnie se heurtaient à un mur. Le pompier répugnait tout contact physique. Sa dépression gagnait du terrain, son enthousiasme disparaissait au même titre que son humanité déjà ébranlée. D'un côté, il appréciait sa solitude, de l'autre, il préférait mourir que de la subir. Ce paradoxe le torturait.

À la télé, une énième série débile diffusait ses épisodes barbants. Ce programme animait tant son appartement qu'il avait la sensation d'être entouré. Hélas, il déchantait lors des rares moments de lucidité. Peut-être devait-il adopter une plante ou un chat ? Alors qu'il ne savait même pas s'occuper de lui-même ? À chaque interrogation, ce terrible constat le désespérait.

Le cinquième verre de Hunter trouva refuge dans son estomac en feu. La chaleur envahissait ce jeune homme dévasté. Tandis que ses joues rougissaient, il sentait les larmes lui monter aux yeux. Peu à peu, elle se déversèrent en cascade. Il n'avait jamais eu l'alcool joyeux. Il dressait toujours le bilan de sa vie et soulignait les points négatifs. Aujourd'hui, il ne comptait que ça.

Hunter quitta son canapé puis tituba vers son coin cuisine. Une douleur à la tête l'obligea à s'accrocher à son plan de travail. Il tenta de surveiller la cuisson de ses pâtes, mais il se sentait faible. Lorsque son téléphone dans sa poche vibra, il le sortit puis porta à sa vue le SMS reçu. Rien d'important. Le corps agité de soubresauts, il attrapa un torchon près de la plaque, qu'il reposa maladroitement. Le pompier se traîna ensuite vers son canapé, les yeux embués de larmes.

En chemin, il se prit les pieds dans des prises électriques. Il tomba, se releva, puis se rallongea. Plus rien n'allait. Physiquement comme mentalement, la douleur restait gagnante. Au summum de la bêtise, Hunter termina sa bouteille d'alcool, directement au goulot. Cette fois, de violentes nausées le bousculèrent. Dans un ultime effort, il déverrouilla son téléphone, ouvrit Messenger, puis envoya sans autre explication, son adresse à une certaine Lauren Mason.

Et il perdit connaissance.

* * *

Lauren toqua avec timidité à la porte de Hunter. Par chance, elle se promenait à deux pas de son appartement lorsqu'il l'avait invitée. Ce message inattendu l'angoissait depuis sa réception. Pourquoi changeait-il brusquement de comportement ? Cette question la turlupinait. Hormis son adresse, il s'était bien gardé de lui fournir une explication. D'ailleurs, elle remerciait encore les généreux voisins qui lui avaient indiqué l'étage et le numéro de palier car le pompier ne daignait plus lui répondre. Elle le relançait, en vain.

Lauren frappa avec hésitation. Visiter cet homme qui gaspillait son énergie à la rejeter la rendait perplexe. Peut-être s'amusait-il à se payer sa tête ? Alors qu'elle commençait à tourner la page, il ranimait une féroce attirance. Parviendrait-elle à garder les idées claires ? Probablement pas.

La danseuse s'impatienta : elle martelait la porte de coups lourds auxquels le pompier ne répondait pas. Qu'avait-il en tête, bon sang ?

Attends-moi [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant