L'univers de Joy - Tome 4

Chapitre 16

Il y a deux jours, les autres ont accepté de me laisser sortir de ma cellule et je peux désormais me balader aussi librement que je veux dans cet endroit, le Wakanda. Je crois que j'y suis déjà venue dans le passé, mais je n'en suis pas tout à fait sûre. Certains endroits me semblent familiers, voilà tout.

Même si je peux faire à peu près ce que je veux, je préfère rester dans ma chambre la plupart du temps. Le fait de croiser des gens que j'ai l'impression d'avoir connus dans une autre vie est assez perturbant, et je préfère l'éviter pour le moment. Je commence à reprendre conscience de certaines choses, mon esprit est plus lucide, mais... je ne sais pas, il me manque quelque chose. Une pièce du puzzle, sans laquelle je ne peux pas voir l'image en entier. Tant que je ne trouve pas cette pièce, je préfère largement rester là et tenter de comprendre ce qui m'arrive, au calme.

Ce soir, alors que je suis assise en tailleur sur mon lit et que je m'amuse à changer des objets de place, je reçois néanmoins une visite à laquelle je ne m'attendais pas. Quand quelqu'un toque à la porte, je suis surprise. Cependant, je lève la main droite et la fais légèrement pivoter jusqu'à ce que la poignée se tourne. Je lève les yeux vers mon invité, et fronce un peu les sourcils. C'est Bucky, le garçon aux yeux bleus.

— Salut, me dit-il d'un ton plutôt sec.

— Bonsoir.

— Je peux entrer ?

Puisque je hoche la tête, Bucky entre dans ma chambre en prenant soin de bien fermer la porte derrière lui. Voyant qu'il s'approche du lit pour s'y asseoir, je lève la main gauche et fais disparaître les quelques livres que j'y avais laissé. Bucky me regarde avec étonnement, je crois. Je suppose que je ne pouvais pas faire toutes ces choses, avant. Même si je ne m'en souviens pas, je sais en revanche qu'à HYDRA les hommes en uniforme m'ont beaucoup poussée pour que je m'améliore.

— Alors... reprend nerveusement Bucky. Tu vas bien ?

— Ça va, lui réponds-je en haussant les épaules. C'est juste... tout ça est bizarre.

— Oui, ricane-t-il, je sais.

Alors qu'il s'assied en face de moi, je fronce un peu les sourcils. J'ai l'impression qu'il y a de la souffrance dans ses yeux. Et j'ai, aussi, l'impression de l'avoir déjà vu plusieurs fois. De la reconnaitre, presque comme si elle était la mienne. Une fois de plus, des minuscules bribes de souvenirs me reviennent et je me perds un peu dans mes pensées. Je n'ai pas vu beaucoup de personnes différentes, dans ma tête, mais Bucky est celle qui est la plus présente. Partout, tout le temps. Alors, je me penche un peu vers lui et lève légèrement la tête.

— On était proches, tous les deux. Je ne sais pas comment je le sais, mais... je le sais. On était proches, n'est-ce pas ?

— Oui, Joy. On était proches. On est, proches.

Je crois voir un sourire s'esquisser sur son visage. Il est vraiment... il est très beau. Il ne sourit pas beaucoup mais quand il le fait, ça illumine la pièce, c'est dingue. Et sans réellement comprendre pourquoi, je sens que son regard me rassure.

— Joy, reprend-il, déjà avant tu n'aimais pas beaucoup... parler. En fait, tu ne parlais de toi à personne. Sauf à moi. Alors si tu as envie de discuter avec quelqu'un... n'hésite pas, d'accord ?

Je ne sais pas si je veux discuter. Peut-être que je le veux. En tout cas, je crois que ça me ferait du bien. Alors après un moment de réflexion, je décide de me lancer. De toute manière, je n'ai pas l'impression d'avoir grand-chose à perdre.

— Tout est... compliqué, résume-je. J'ai l'impression d'avoir la vie de quelqu'un d'autre dans ma tête. Avant que tu arrives tout à l'heure, je me disais qu'il me manquait... quelque chose. Un bout de l'énigme, pour pouvoir la voir dans son ensemble et la résoudre. Et je n'arrive pas à trouver cette chose. Tu comprends ?

Bucky me regarde, hoche simplement la tête, et je sais qu'il comprend. J'ai l'impression qu'il m'a toujours comprise. Et que... moi aussi, je l'ai toujours compris. Durant une seconde, j'ai dans la tête le souvenir d'un parking, et... de gaufres au chocolat. Je fronce les sourcils.

— Joy ? Ça va ?

Je me tourne vers Bucky, le regarde avec plus d'intérêt, plus de concentration. Je ressens... cette sensation étrange, cette pulsion. Comme si mon être tout entier était attiré au sien par un gigantesque aimant. Ça n'a pas de sens je sais, mais je ne peux pas m'empêcher de le ressentir. Je vois Bucky me regarder, je crois lire des choses que je sais dans ses yeux, et alors, une pensée me traverse l'esprit. Et si c'était lui ? Et si Bucky était la pièce manquante ?

Alors, je décide d'arrêter de réfléchir ; ces derniers jours, je n'ai fait que ça et je crois que ça suffit. Cette fois, j'arrête de penser. Je laisse parler mon instinct, mes tripes. Je fixe Bucky avec intensité et l'instant suivant, j'approche mon visage du sien. Il sait ce que je m'apprête à faire, et il n'a pas l'air de vouloir m'arrêter. Alors, je continue.

Je prends le visage de Bucky dans mes mains et approche ses lèvres des miennes sans plus attendre.