Chapitre 28

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Après avoir erré quelques minutes dans l'immense bâtiment dans lequel Ben a décidé de se cacher, je finis par tomber sur la pièce qui m'intéresse. Je le sais, je le sens, sa présence se fait ressentir tout autour de moi. Ça y est, c'est le moment.

J'ouvre la porte sans plus de cérémonie, et tombe nez-à-nez avec lui. Mon père. Celui-ci est assis sur une chaise, un verre de Whiskey à la main. Il sourit. Je ne suis pas sûre de savoir pourquoi.

— Enfin, te voilà ma fille chérie. J'ai failli t'attendre.

— Cher papa.

Ben me regarde d'un air cynique, et une fois de plus j'ai des nausées en croisant son regard. Mais je ne défaille pas pour autant. Car aujourd'hui, je peux lire en lui quelque chose que je n'avais jamais perçu auparavant : il sait que c'est terminé. Il sait que les rôles sont échangés, et que grâce à cet instant, à ce moment très précis où tout se termine, la souffrance que j'ai endurée va s'apaiser. Mais ce n'est pas tout ; désormais, il ne veut plus se battre. C'est réellement la fin.

— Tu veux boire un coup ? me dit-il en tendant son verre.

— Pourquoi pas, oui.

Je m'approche de Ben et, en même temps que j'attrape le verre qu'il me tend, je pose l'autre main sur sa tempe et je le sens se raidir à mon contact. Je le regarde ensuite dans les yeux, avant de boire cul sec le fond de son verre. Dégoûtant.

— Je préfère l'alcool de Xandar, dis-je ensuite d'une mine lasse. Ça a bien plus de caractère, bien plus de poigne. Tu comprends ?

— Je comprends très bien, Joy, me répond mon père en ricanant. Alors, il est l'heure, n'est-ce pas ?

Pour toute réponse, je hoche la tête d'un air dur. Pourtant à l'intérieur, ça me fait quelque chose. Mon père n'est pas un homme bien, et il ne le serait jamais devenu. Mais il pense avoir raison, il pense vraiment que toutes ces atrocités ont aidé à faire le bien. Je le sais, je le lis en lui.

— Les choses n'auraient pas pu se passer autrement, me dit-il en soupirant. Ta mère et moi, nous n'avons jamais été de bons parents. Mais je l'ai aimée à une époque, et je t'ai aimée aussi. J'espère que tu le sais.

— Je le sais. Mais tu as pris un chemin empli de mauvais choix, et ça a fait de toi quelqu'un de mauvais. Ou en tout cas... quelqu'un de très différent de moi. Et de mes amis. Alors tout doit s'arrêter.

— Je sais. Au moins, j'aurais essayé, pas vrai ?

Mon père a ôté ce sourire suffisant de son visage, et se contente désormais de me regarder d'un air triste. Je sais, je comprends. Je le déteste, pour ce qu'il m'a fait et pour ce qu'il aurait encore pu me faire si j'avais été seule contre lui. Mais j'ai de la pitié pour mon père ; justement parce que lui n'a pas connu cet amour que je ressens, qui inonde absolument tout ce qui se trouve autour de moi.

Alors, je le regarde une dernière fois et je me décide à lui sourire.

— Au revoir, papa.

— Au revoir Joy...

Sur ces derniers mots, je place mes deux mains sur les yeux fermés de mon père et je ferme les yeux, à mon tour. Avant d'en finir pour de bon avec tout ça, je me laisse aller à regarder un souvenir, le dernier. Je nous vois, mes parents et moi, dans la cuisine de notre maison de Boston. Assise devant une assiette de gaufres au chocolat, je regarde mes parents valser entre les murs de la cuisine, Dream a Little Dream of Me en fond sonore. Il fait beau dehors, le ciel est bleu et les oiseaux chantent.

Voilà, c'est comme ça que partira mon père. Dans cette cuisine, avec ma mère. À l'époque, lointaine mais toujours impactante, où mes parents et moi n'étions rien de plus que ça : une famille qui s'aimait.

L'univers de Joy - Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant