𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 2

Chapitre 16

Eileen me fixe avec pitié, je le vois dans ses yeux. Ander a toujours la main posée sur sa taille et il semble concentré à dévisager Rewind. Ce dernier s'approche de sa fiancée en lui intimant quelques mots que je n'entends pas de là où je me trouve.

— Mes parents sont repartis, soupire William à côté de moi.

Il a les yeux braqués sur la limousine qui s'en va déjà et je reste perplexe quelques secondes.

— Partis où ?

— À Socrenia. Ils ne font que ça, venir et repartir. Depuis petit, avec Therys, on les entre-aperçoit quelques fois, pendant les vacances où ils daignent rester quelques jours avec nous. Ils ne sont là que trop rarement.

La peine se lit dans sa voix et je lève la tête pour capter son regard mais il m'évite. William aurait donc une faiblesse : ses parents ?

— Mais pourquoi ils repartent ? On vient tout juste d'arriver.

— Le business, Bianca. Mon père est collé à ses conseillers et ma mère le suit comme une idiote. J'ai été élevé par Therys, et ce depuis toujours.

Je tourne alors la tête pour chercher Therys du regard. Il ne se tient pas loin de Lina et est penché vers elle, l'air pensif.

Je vois alors Eileen s'avancer vers moi. Elle se poste à mes côtés alors qu'Ander est en pleine discussion avec Rewind, Victoria se présentant au couple derrière elle. Une vieille femme reste un peu en retrait derrière elle, assez voûtée et robuste, elle a les yeux plissés derrière ses lunettes rondes. Elle porte une vieille robe violette en soie, laissant dévoilant ses gros bras. Perchée sur le perron, je me rends compte qu'elle me scrute attentivement. Qui est cette dame ?

— Rewind est bizarre, lance Eileen, toujours les mains liées dans le dos.

Je lève la tête. J'en ai ras-le-bol d'être petite, je suis toujours obligée de me redresser et de regarder le ciel pour capter mes interlocuteurs. Si seulement j'étais aussi grande qu'Eileen, et aussi belle...

— Il a l'air d'avoir changé, rajouté-je.

— Il a mûri. J'ignore encore si c'est dans le bon sens du terme ou dans le mauvais.

— Il m'a à peine regardée, lâché-je dans un souffle.

Je réalise que William est toujours à côté de nous et il semble intéressé dans notre discussion.

— Peut-être que c'est le trac, intervient-il.

— Rewind n'est jamais nerveux, répliquons-nous en chœur.

Puis Eileen ajoute, l'air inquiète :

— Il est perdu. D'ordinaire, il sait ce qu'il fait. Lorsque nous sommes venus te chercher à Ecclosia, il n'a pas hésité une seule seconde à venir avec nous. Il a toujours été là pour nous mais j'ai l'impression que... Qu'il est parti.

— Peut-être devrais-tu avoir une discussion avec lui, proposé-je.

— Les discussions ne mènent à rien avec lui, il n'est jamais sérieux. Il a même serré la main d'Ander ! Bianca, je suis inquiète...

Elle apporte la main à sa bouche pour se mordre les ongles et je pousse un petit soupir. Qu'est-ce que je fais ici, bon sang... J'ai envie d'effacer la dernière année de mon esprit, j'ai envie de m'endormir pour toujours et de retrouver ma maison.

— Les discussions sont le meilleur moyen de rétablir les choses, lance William. J'irai lui parler, si vous me le permettez toutes les deux.

Cet homme est trop charitable. Je le regarde, l'air suspicieux et un petit rire s'échappe de sa bouche lorsqu'il voit la tête que je fais.

— J'ai une meilleure idée, lance Eileen. Ander va le provoquer, il adore ça. Je te tiendrai au courant si le vrai Rewind daigne se remontrer.

Et elle m'abandonne comme ça avec William. C'est pile à ce moment-là que la vieille femme postée sur le perron descend les marches, une canne à la main et qu'elle s'approche de Rewind. Elle lui donne une tape avec sa canne en beuglant et le pauvre se frotte l'arrière du crâne en poussant une plainte d'exclamation.

— Alors, tu ne me présentes pas à nos invités ? Jeune homme malpoli ! Je ne t'ai pas éduqué comme ça.

Rewind râle sous l'œil amusé de Victoria et je brûle d'envie de lui arracher les yeux pour le regarder ainsi. J'en oublie presque qu'ils sont fiancés depuis six mois et qu'il seront mariés dans quelques semaines.

Lâcher prise. C'est l'unique solution.

— Vieille dame folle en approche, souffle William en se pinçant la bouche.

La femme s'avance vers nous en s'aidant de sa canne, suivi de près par Rewind ? Serait-ce sa mère ? Elle me paraît être très âgée pour l'être. Je plisse encore plus les yeux lorsque le soleil vient directement me taper dessus.

— Cet emporté n'a pas jugé ça utile de me présenter ! râle-t-elle en s'adressant directement à moi. Je suis Danïa, la grand-mère de Rewind. Et je présume que tu es Bianca ?

J'ignore d'où elle connaît mon nom. Cet idiot n'aurait jamais osé parler de moi, encore plus à sa grand-mère. Celle-ci me lance un grand sourire avant de me tendre sa canne afin que... que je lui serre la canne ?

Je vois son petit-fils derrière se passer une main sur le visage, l'air épuisé.

— Mamie, on a dit que...

— Silence, imbécile !

Le stress monte en moi. William a l'air amusé à côté de moi et dans un élan d'adrénaline ou de je-ne-sais-quoi, je tire la canne d'un bon coup, faisant avancer la grand-mère de quelques pas.

Oh, mon Dieu. Qu'est-ce que je viens de faire ? C'est peut-être une personne fragile et vulnérable ? Oh, et puis tant pis ! Elle n'avait qu'à pas me tendre son bâton de sorcière.

À ma plus grande surprise, elle se met à éclater de rire et se tourne pour frapper Rewind à la tête. Celui-ci s'énerve, s'emporte et je lui retrouve sa hargne d'antan.

— Bonne petite, répond-elle. Et toi, qui es-tu ?

Elle se tourne vers William et je me permets de la dévisager en toute bonne conscience. Sa peau est mate, presque noire, et des taches brunes dues à la vieillesse se sont formés sur ses joues. Elle porte des dizaines de colliers autour du cou et deux grosses boucles d'oreilles pendent à ses oreilles déjà abîmées par l'âge. Les cheveux tissés en une grosse tresse sur la tête, elle remet ses lunettes correctement sur son nez.

— William, lance-t-il. Le prince de Socrenia.

Je remarque que toute formule de politesse a été bannie ici. En revanche, il se baisse face à la vieille dame d'un mouvement si gracieux que mes yeux restent bloqués sur sa silhouette.

— Si seulement mon petit-fils se montrait aussi courtois que toi, le monde serait plus heureux ! Je suppose que vous êtes ensemble ?

— Non, réponds-je trop rapidement.

— Cela ne saurait tarder, ajoute William avec un sourire charmeur aux lèvres accompagné d'un clin d'œil.

— Et il a le sens de l'humour ! Viens par là, mon enfant, allons discuter un peu.

William n'a pas le temps de refuser que Danïa le prend par le bras pour rentrer à l'intérieur du palais. Je la dévisage, la bouche grande ouverte. Je sais maintenant d'où Rewind tient son humour douteux.

Et lorsque je reporte mon attention sur lui, je le découvre qu'il a les yeux braqués sur moi, l'air indéchiffrable. Mais je mettrais ma main à couper qu'en ce moment précis, il ressent quelque chose.

Il ne peut pas avoir tout laissé derrière lui.

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hey hey

Je vais poster la suite, j'ai pris un peu d'avance :)

à tout de suite