𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 2

Chapitre 46

Dans un dernier élan, je vais pour courir jusqu'à eux, saisir une quelconque arme que je trouverai là mais William me retient. Sa poigne se fait plus forte que mes envies de meurtre. Je me débats, grogne et le repousse mais il se met à courir en direction de la ville.

— Il est perdu, Bianca ! Nous devons nous enfuir !

Je le hais. Du plus profond de mon cœur, du plus profond de mon être, je le déteste à un point inimaginable. Je le repousse, me déchaine sur lui comme un animal et me mets à crier en même temps que les larmes inondent mes joues. Je me retourne, cherche des yeux Rewind. La charrette est déjà trop loin. Je ne vois rien. Pourtant, je n'arrête pas. Quitte à me faire attraper, quitte à me prendre une flèche en plein cœur par un de ces maudits soldats dans la forêt, je ne renonce pas. Puis, un mouvement attire mon attention. Au loin, j'aperçois son corps projeté en-dehors de la charrette. J'attends. Une seconde. Deux secondes. Trois. Une éternité.

Bam. Bam.

Mon cœur s'arrête. Je retiens mon souffle. Chaque particule de mon corps cesse d'exister. Mes mains se tordent de douleur. Je me griffe les bras à en saigner.

Bam. Bam.

L'espoir me maintient en vie. Il va se relever. D'ici, je ne vois qu'une ombre. Il va se relever. Il va se redresser, battre Lorcan. Il va courir vers nous, nous rejoindre. Il va me prendre dans ses bras, me dire qu'il est invincible. Me traiter de potiche. Il va se relever.

Bam. Bam.

— Bianca, nous devons partir !

Bam. Bam.

Une éternité. Des milliards de choses que je n'ai pas pu lui dire. Il ne peut pas mourir ainsi ! Il doit se relever, il le faut. Il ne peut pas être déjà mort... Cela ne peut pas finir ainsi. Je ne peux pas vivre sans lui.

— Bianca !

William m'appelle mais je n'entends pas. Ses mots font échos dans mon esprit. Je le vois crier, me saisir par le bras, tenter de me ramener mais je ne suis plus là. Mes yeux restent fixés sur ce corps. Sur Lorcan qui bondit de la charrette. Il nous lance un regard mauvais. Me sourit. Puis saisit son épée. Je vois Rewind bouger. Très légèrement, il se tourne sur le dos et fixe son agresseur. Le traître. Celui qui nous a tous trahi, menti, qui nous a poignardé en plein cœur.

Bam. Bam.

Rewind ne prononce pas un mot. D'ici, je n'aperçois que sa poitrine se soulever à un rythme qui me paraît trop lent. Sa bouche ne se meut pas. Son corps reste parfaitement immobile alors qu'il s'apprête à assumer la défaite. Rewind ne ferait jamais ça ! Il ne se laisserait pas abattre. Il se battrait jusqu'à la dernière seconde...

Tu n'es pas seule, Bianca.

— Bianca !

Tu resteras toujours ma personne préférée.

— On doit y aller ! Merde, on va mourir si on reste ici !

Je t'aime, Bianca.

Lorcan lève son épée.

Bam. Bam.

Le coup est sec. Franc. Sans une arrière-pensée, sans une seconde à attendre, sans un dernier mot prononcé. De mes propres yeux, je le vois transpercer la poitrine de Rewind d'une froideur qui me glace le sang. Je m'imagine tomber à genoux, pleurer et crier, hurler, taper le sol de mes poings, cogner la terre à m'en meurtrir la peau. Je m'imagine me griffer les bras à en saigner pour oublier cette douleur. Cette douleur qui me paralyse, qui m'empêche de respirer, qui me bloque la poitrine, qui comprime mes poumons. Cette douleur que je ne pensais pas vivre jusque-là. Je croyais avoir tout vécu. Je croyais que la douleur mentale de l'année dernière de pouvait pas être pire. Je me suis trompée.