Chapitre 38

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J'ouvre la bouche, la panique me saisissant au cœur. Rewind ne semble pas aussi perdu que moi puisqu'il répond en criant presque :

— Bianca n'est pas là !

Je me hâte de reboutonner ma chemise et de récupérer mon corset mais je n'y arrive pas toute seule pour rattacher les lanières dans le dos. Rewind, gentleman et aimable comme il est, m'aide à renouer les lacets alors que William réplique de l'autre côté de la porte en même temps :

— J'ai entendu sa voix, ne me mentez pas.

J'entends au ton de sa voix qu'il a l'air en colère et cela me fait froid dans le dos. Sans prendre la parole pour autant, je me dépêche de remettre correctement mes vêtements mais je sais qu'en sortant de cette pièce, je ne pourrais pas cacher le rouge de mes joues. Et merde ! Rewind, aussi agacé que son interlocuteur de l'autre côté, continue dans son mensonge :

— Elle n'est pas ici, je viens de te dire. Alors soit tu dégages de derrière cette porte, soit je l'ouvre pour t'en coller une. Tu choisis.

William tambourine alors à la porte, et ignore totalement ses paroles :

— Bianca, sors de là ! Je sais que tu es là-dedans, tu ne peux pas...

— Très bien, comme tu l'auras voulu !

Il ne finit pas sa phrase puisque Rewind ouvre la porte d'un coup et apparaît devant lui, torse nu avec une simple serviette recouvrant ses parties intimes. Oh, mon Dieu. Je me cache la tête dans les mains lorsque William se contente de me dévisager. Je ne peux pas affronter ce regard, je n'en ai pas le courage. Je ne peux pas affronter la déception et l'humiliation qui se peint dans ses yeux.

— Tu réalises enfin qu'elle ne t'aime pas ? raille Rewind, une main tenant la porte, l'autre posée sur sa hanche.

William ouvre la bouche pour répliquer mais rien ne sort. Lorsque je lève la tête, je sais qu'il a compris. Ses yeux ne regardent que moi et la trahison que je lui offre me foudroie sur place. Il se fige d'incompréhension. Puis il pince les lèvres, et se reprend. Lorsque Rewind est un mur froid et narquois, William a un milliard d'émotions qu'il ne se tente pas de cacher.

— Tu comptes dire quelque chose ou bien tu préfères subir cette humiliation sur place ? poursuit-il, un sourire moqueur aux lèvres.

— Assez, Rewind.

Il se tourne vers moi, hausse un sourcil. Je ne le reconnais pas. Comment peut-il se montrer aussi cruel avec lui ? Je ne l'ai pas connu ainsi, il ne s'est jamais comporté de la sorte.

— Je vois, lance William. Je n'ai pas besoin d'explications, tu es assez grande pour faire tes propres choix, Bianca.

Il tourne alors les talons et je ne sais pas ce qu'il me prend, mais je sors de la salle de bains pour le rattraper, ignorant les exclamation de Rewind dans mon dos. William me fuit mais je le rejoins sur le pont du navire et remarque à peine que nous venons d'arriver à destination. Les terres d'Ecclosia se dessinent devant moi. Ma maison. Non loin d'ici, à perte de vues s'étendent des villes et villages, forêts et montagnes.

Et pourtant, j'ai beau être de nouveau chez moi, cette idée ne me réjouit pas. J'ai blessé William. J'ai meurtri son cœur comme Rewind pouvait le faire avec Victoria.

— William, attends. Je ne voulais pas...

Il se tourne, m'arrête de la main. Son regard azuré me fixe avec une certaine pitié.

— Je n'ai pas besoin de tes excuses, tu sais.

— Mais si, ce n'est pas ce que tu crois !

— Qu'est-ce que je crois ? s'exclame-t-il, au bord du désespoir, et moi au bord des larmes. Tes lèvres sont rougies, tes cheveux décoiffés et ta chemise à peine bien mise. Comment ai-je pu être assez idiot pour penser que créer quelque chose avec toi serait possible ? Comment ai-je pu me bercer à ce point d'illusions quand il est là, omniprésent, à te défendre constamment alors qu'il est fiancé ? Merde, alors ! Je me remplissais la tête d'un tas de projets avec toi parce que je pensais que mes sentiments étaient réciproques.

Je bredouille des mots qui se confondent dans mon esprit. Je balbutie, je n'y arrive pas. William est la douceur incarné, quand Rewind n'est qu'un feu ardent me consumant de toute part, William était là pour m'apporter la sécurité et le calme dont j'avais besoin. Il tente de rester serein et prudent dans ses mots et cela me fend le cœur. J'ai agi en garce avec lui, je lui ai brisé le cœur.

— Je ne suis pas parfait, Bianca, loin de là, mais l'honnêteté est un pilier fondamental pour moi. Je t'ai fait aveuglément confiance, je t'ai toujours soutenue et crue. J'étais là pour toi, pas juste un mur de décoration ou un miroir dans lequel te regarder.

Je me mords la lèvre. Incapable de bouger, je ne sais pas quoi répondre. Le pont est déjà installé et je pourrais facilement descendre et rejoindre ma terre. Eileen et les autres sont sûrement déjà descendus, mais je n'y arrive pas. Je me sens terriblement pitoyable face à William.

— Je suis désolée, sont les seuls mots qui sortent de ma bouche.

— J'étais venu à Ecclosia pour t'aider, pour t'accompagner. Pour toi. Pas pour quelqu'un d'autre, tu es la seule femme à occuper mes pensées. Tu étais la seule que je voulais. Maintenant, c'est terminé. Il saura très bien prendre la relève. Je n'ai été qu'une distraction après tout.

Peut-être que dans le fond, il en a été une. À un moment. Quand rien n'allait dans ma vie, j'ai vu dans les yeux de William l'opportunité d'oublier qui je suis. De créer une nouvelle Bianca. Plus sage, plus posée, qui lui ressemblerait. Mais ça n'a pas marché, Rewind a bousculé mes plans. Tout est tombé à l'eau. William a été le seul à m'aider, à tenter de me comprendre. Quand je lui ai dévoilé une partie de la vérité, il a su m'épauler. Il n'a jamais profité de moi. Son côté intellectuel surpassait tout, même mes plus sombres cauchemars. Mais maintenant, c'est fini.

Je me retourne lorsque son regard se pose sur un point derrière moi et les yeux tombent sur Rewind qui jubile littéralement. L'amusement se peint sur son visage et il s'approche pour me prendre par la taille mais je le repousse.

— Tu es obligé d'être aussi exécrable ?

Il hausse un sourcil, me dévisage. Ne comprend pas. Il ne comprendra jamais de toute manière.

— Je ne suis pas un trophée, Rewind. Tu ne m'as pas gagnée, tu ne m'as pas conquise. Je sais très bien ce que tu penses, tu crois l'avoir vaincu mais il n'a jamais été question de ça, tu me l'as toi-même dit. Pour le le moment, tu te comportes juste comme un gros abruti.

Il perd son sourire et se fige comme s'il avait reçu une claque. Lorsque je me retourne, William n'est plus là. C'est le cœur à moitié en miettes que je descends du bateau, et pose enfin un pied sur ma terre natale.

Bizarrement, cela ne me fait ni chaud ni froid.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant