Mermaid Online

40. Mélodie interdite (Stella)

C'est compliqué de trouver des paroles. La composition de Cam est super jolie et je l'imagine composée de courtes phrases.

Au bout de mes phalanges, la guitare que Matthias m'a prêtée et les notes de mon frère. J'ai réuni sous mes doigts les deux personnes que j'aime le plus au monde. Même si Cam n'est plus là et si Matthias maintient une certaine distance par son attitude de prof, ils sont présents tout le temps dans mes pensées.
Cependant, je ne sais comment leur dire tout ce que j'ai sur le cœur.

Et depuis peu, il y a mon pirate aussi. Même si Jay ne sait pas qui je suis vraiment. Si je pouvais trouver le courage de dire à haute voix tout ce que je n'ose pas... si mes paroles pouvaient sortir facilement.

La musique emplit le salon de Matthias. Blanche et Théo dessinent à côté de moi, Matthias est à l'étage et commande des sushis pour midi avant que je ne retourne en cours.

— Chante, Stella ! exige Théo en mâchouillant son crayon bleu.

Alors je ferme les yeux et je fredonne tout ce qui ne peut se dire.

Un peu pour Matthias qui n'entend pas, un peu pour Cam qui n'est pas là et un peu pour Jay qui ne le saura pas.
Et puis surtout pour moi.

Je suis seule et muette,
Je suis triste et c'est bête.

Moi qui voulais te parler,
Qui souhaitais exister,
Dans tes yeux, dans ta vie
Et t'avoir comme ami.

Je suis seule et muette,
Je suis triste, c'est si bête.
Une sirène sans voix,
Ne peut rien dire, tu vois !

Ni que je t'aime,
Ni que je peine,
D'être seule et muette,
De cet amour pour toi.

Je suis seule et muette,
Je suis triste et c'est bête.

— Bravo ! applaudit Théo.

— Comment tu fais pour inventer une chanson ? s'extasie Blanche.

— Avec tous les mots qui restent bloqués dans ma gorge, je réponds doucement.

— Moi, j'ai rien dans ma gorge mais des fois papa dit que j'ai un chat. Mais en vrai, j'ai pas de chat ni de chien. Y a rien.

Nous rions. Être ici contribue aussi à me remonter le moral, je suis reconnaissante de tous ces petits instants qui, mis bout à bout, allègent mon quotidien.

Alors que Blanche décide de mettre la table, il me semble que quelqu'un est à la porte. Peut-être que c'est le livreur pour les sushis ? Génial, je meurs de faim.

Mais en me dirigeant vers l'entrée, je ne vois qu'une caisse posée sur le pas de la porte et Roxanne qui monte à l'étage sans même m'avoir aperçue. Je suppose qu'elle doit parler à Matthias et que cette caisse est celle dont on a parlé ce matin. C'est vraiment sympa de sa part de me donner tous ses vêtements.

Comment a-t-elle réussi à porter ça toute seule ? Oh ! Peut-être que Jay l'a aidée ? Si ça se trouve, je peux l'inviter à déjeuner avec nous.

Je sors dans l'allée en espérant que Jay soit encore là, malheureusement personne ne se trouve dans l'allée. Sur le rebord de la barrière du jardin, il y a une veste de cuir abandonnée.
Celle de Jay, à n'en pas douter.

Je la récupère immédiatement. Roxanne pourra lui rapporter, sinon je m'en chargerai. Le soleil a chauffé le cuir et mes mains caressent le blouson.

Doucement, je le porte à mon visage et ferme les yeux. Il y a ce parfum un peu mentholé et réconfortant. Le parfum de Jay. Et je repense à ce matin, quand il a posé sa veste sur mes épaules. C'était si gentil.

Mince, qu'est-ce qui me prend ? On ne sniffe pas les habits des gens, je deviens folle ! La honte !

Je décide de rentrer avant de me faire repérée et plie la veste sous mon bras, quand soudain quelque chose tombe à mes pieds.

Un petit objet rectangulaire qui m'est tellement familier que je n'ose y croire.

Mon carnet...
Que fait mon carnet dans la poche de Jay ?

Une colère et une incompréhension terribles me saisissent.
A-t-il lu mes pensées les plus intimes ? Depuis quand ?

Est-ce qu'il se fiche de moi depuis le début ? Pourquoi a-t-il mon carnet ?

Trop de questions se bousculent dans ma tête mais toutes tendent vers le même sentiment : je suis furieuse.
J'ai cru pouvoir lui faire confiance mais il ne vaut pas mieux que les autres du lycée.

Je le déteste !