70. Chanson à un Albatros

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La soirée s'est bien passée, j'ai admiré le travail acharné de Matthias dans la création d'un défilé numérique, j'ai aperçu des hologrammes danser dans les jardins et un film avec Rob dans le rôle du prince a même été projeté dans le ciel. C'était incroyable de penser que M. Duval ait pu réaliser autant de féérie tout cela avec des ordinateurs. D'après ce j'ai compris, il veut reprendre la direction de la GoldMine et cela a des répercussions sur Rob. Inviter Blanche à la soirée ne servait à mon prof préféré qu'à s'assurer de la présence de son frère cadet. Leur relation est tellement compliquée, je me demande s'il m'en parlera un jour* (* lire "Blanche-Neige Online").

En attendant ce jour, je dois me concentrer sur mes propres problèmes. Je veux me libérer enfin de tout ce qui m'empêche d'avancer. Un portail noir en fer forgé se dresse devant moi et j'inspire de toute mes forces pour me donner du courage, pour avancer sans faiblir.

Ma guitare sur le dos, j'avance en serrant contre moi un bouquet de fleurs. Jay me suit dans les allées de pierres, la végétation prend parfois le dessus sur certaines tombes à l'abandon. Je sais parfaitement où je vais, pour la première fois je n'hésite pas quant au but de mes pérégrinations.

Lorsque nous atteignons enfin la tombe de Cam, je m'immobilise à quelques pas. D'un regard à Jay, je cherche un peu de courage et lui en donne aussi pour parcourir les derniers mètres.

Les fleurs fraîches sont déposées sous la photo de Cam, à mon frère regretté, à ce fils parti trop tôt, à toi qui enchantais nos vies de tes compositions musicales.

Je fais glisser le lourd étui de mes épaules et m'assieds sur le granit froid de la pierre tombale, à côté de toi mon frère. J'ai la gorge serrée mais je ravale ma peine. Je suis ici pour m'en libérer.

Jay semble perdu, prêt à craquer, alors je l'attrape par la manche et l'invite à s'assoir à côté de moi.

— Tu voulais que je te pardonne, Jay.

— Je ne m'attendais pas à ce que tu me traines ici !

Il soupire et je vois à quel point c'est douloureux pour lui. Je me demande si j'ai bien fait... soudain j'ai un doute, mais il est trop tard pour reculer.

— Jay, je n'ai rien à te pardonner car tu n'étais pas responsable des choix de Cam, tu ne savais pas ce qui se jouait et tu as toi-même assez souffert. Cependant, si tu crois quand même devoir te faire pardonner alors exauce trois de mes souhaits.

— Je ne suis pas le génie de la lampe, mais je peux essayer...

J'imagine un instant Jay en costume de génie et ça me fait sourire, c'est stupide mais ma nervosité est à fleur de peau et je ne suis pas loin d'avoir un rire nerveux.

— Tu moquerais-tu de moi ?

— Non, je souris. J'ai juste appris dans cette histoire que parfois il suffit de faire un vœu sincère pour qu'il se réalise. Après tout, j'ai bien rencontré un pirate, non ?

— Et moi, j'ai trouvé une sirène, il ajoute en replaçant derrière mon oreille une mèche de cheveux que le vent avait décoiffé.

La caresse infime de ses doigts sur ma joue me fait frissonner. J'aime quand Jay est près de moi.

— Quels sont donc tes trois vœux ?

— Le premier, dis-je en posant la guitare sur mes genoux, est que tu pardonnes à Matthias.

Jay approuve d'un hochement de tête. Depuis que nous avons parlé à M. Duval, il est moins en colère et je pense que cette discussion nous a fait du bien à tous les trois.

— Et le deuxième ?

Avant qu'il ne retire ses doigts de mes cheveux, je pose ma main sur la sienne. Il prend ma joue en coupe et sourit timidement en me regardant de ses yeux verts qui me donnent autant le tournis que lorsque je respire son parfum mentholé.

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