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24. Ulysse et les sirènes (Jay)

Je souris devant mon téléphone. Je l'ai attrapé dans mes filets, cette sirène qui se prétend presque centenaire. Enfin, elle m'a répondu.

C'est la première fois que je m'adresse à une parfaite inconnue via un réseau social. Je préfère connaître et voir en face ceux à qui je m'adresse, mais étrangement cette relation débutante a quelque chose d'intriguant et de paisible. Je n'ai pas de compte à rendre à une étrangère. Qu'elle ait mille ans ou mon âge ne me gêne pas. Elle cherchait une oreille, je cherchais une sirène. Si elle n'est pas celle qui m'a sauvé de la noyade, elle sera celle qui me sort de ma vie pleine de mensonges sans jugements.

Le shooting s'est terminé et nous avons aussitôt levé le camp pour faire un tour dans la capitale.

« Pourquoi tu fais la gueule ? j'apostrophe Rob.

— J'ai des soucis avec mon frère, je pense qu'il veut se venger de moi et j'ai peur de ses nouveaux plans. T'as vu qui il a engagé ce matin pour la séance photo ?

— Ta nouvelle copine Blanche, ouais j'ai bien compris que tu avais été mal à l'aise. Tu penses vraiment que c'était voulu ?

— Avec lui, on ne sait jamais... Et toi, qu'est-ce qui t'amuse tant ? s'étonne Rob.

— J'ai trouvé une sirène.

— Méfie-toi, soupire-t-il en regardant passer une péniche, Ulysse a dû se faire attacher au mât de son bateau pour les entendre sans en perdre l'esprit.

— Tu parles du héros de la mythologie qui essayait de rentrer chez lui après une guerre ? je fais appel à ma mémoire. Il y a une grande différence entre lui et moi, tu sais.

— T'as pas de bateau ? se moque Rob en longeant les quais de la Seine.

— Moi, je n'ai aucune envie de rentrer à la maison. »

Quant à la guerre à laquelle j'ai survécu, elle ne vaut pas une bataille épique, car je sors d'un combat sans ennemi, néanmoins cela m'a arraché le cœur et une partie de moi-même.

Nous marchons en silence, je me sens mal. Avant, nous étions trois à parcourir le tout Paris et je riais aux éclats avec mes deux meilleurs amis.

Il y a une sirène qui me parle maintenant, mais toi mon ami, mon frère de sang, tu n'osais rien dire et tu te taisais au point d'en souffrir.

Je regarde ce ciel bleu qui se rit de nos existences pitoyables.

Où es-tu maintenant, mon ami ?

Te souviens-tu de nos discussions sur l'avenir. Tu disais que l'incertitude n'était pas aussi stressante que de vivre en sachant que tout était planifié.

Tu disais que l'incertitude était porteuse d'espoir car rien n'était définit, que tout pouvait changer. Que planifier c'était s'assurer de ne plus rêver. Qu'il fallait se laisser surprendre, que la vie était riche de trésors cachés.

Je ne comprenais pas tous les nuages qui s'amoncelaient au-dessus de ta tête. Quand je te conseillais d'avouer tes sentiments à la personne que tu aimais, tu t'y refusais. Tu préférais la certitude de l'amitié, ta seule angoisse était le rejet.

Si j'avais su, je ne t'aurais pas poussé à avouer ton amour.

Me pardonneras-tu ?

Moi, je m'en voudrais toujours.

Non, je ne veux plus rentrer chez moi.

J'ai changé de lycée, mais je suis toujours le même, rien ne change au fond. Je me déteste.

Rob n'ose pas interrompre mes idées noires. Il a sûrement les siennes aussi.

Errons encore un peu, traversons le monde comme des âmes en peine à la recherche de la mort ou du destin.

J'envie Ulysse, au moins il avait un but et si les sirènes le tentaient tant, peut-être voulait-il juste se sentir vivant et toucher du doigt la sensation de donner un sens à son existence.

« Roxanne a invité Blanche à dîner chez elle, laissons-les seules. J'ai envie de passer la nuit dehors.

— Demain tu as cours, s'inquiète Rob, et le lycée ?

— Peu importe, allons faire la fête. Demain sera un autre jour... »

🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️

Pauvre Jay 😭...
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