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63. Amis (Jay)

« Est-ce que Blanche va aussi porter une des créations de Roxanne ? s'interroge Stella lorsque nous arrivons en bas des escaliers. Je suis sûr qu'elle sera super belle ! Tu ne trouves pas qu'elle est jolie ?

Je me contente de hausser les épaules. Je ne me suis jamais vraiment intéressé aux tenues des autres ni à leur physique, je ne considère pas les gens sous l'angle de la beauté. Je ne suis pas aveugle non plus, mais comment dire : je m'en fous complètement. Il y a trop de belles gueules qui cachent des atrocités sur leurs intentions et inversement trop de belles âmes qui ne payent pas de mine. A vivre avec Rob dans son univers de mannequins et de mondanités, j'ai vite compris que personne n'a l'air de ce qu'il est réellement. Les apparences sont trompeuses, je ne le sais que trop bien. Sous mes airs de voyou, je suis faible en vérité.

Au contraire de Stella qui ne ment pas et me regarde droit dans les yeux. Ce qu'elle cache n'a rien à voir avec de la jalousie, de l'envie ou de l'ambition. Elle n'ose simplement pas en parler pour ne gêner personne, le reste du temps elle dit la vérité de manière très crue. Cela peut être déstabilisant, mais aussi très libérateur. Mentir à Stella me semble impossible... et cela me rend les choses compliquées.

— Rob est là aussi, je suppose ?

— Tu t'intéresses à Rob ? Lui aussi tu le trouves « joli » ? j'ironise.

— Il est carrément à tomber, elle hoche la tête. C'est le plus beau garçon que j'aie jamais vu, en plus il est gentil.

Je viens de m'arrêter au milieu du hall d'entrée. Elle est sérieuse, là ?

— C'est ton... genre ?

Je regrette aussitôt cette question en la voyant réfléchir sérieusement à ma question, un doigt sur son menton.

— Je n'en sais rien, je n'ai jamais eu de petit-ami. J'aime bien qu'il soit gentil et qu'il fasse attention aux autres.

— Ce n'est pas du tout le sens de ma question ! Je veux dire physiquement, c'est quoi ton type d'homme ou... de femme, je tente.

— Et toi ? Stella me renvoie la question. Tu préfères les brunes, pas vrai ? Je t'ai vu draguer Blanche et il y avait aussi cette fille à la sortie du lycée. Je te conseille la deuxième option, elle rit et ce son me rend nerveux parce qu'il est sincère, parce que pour Blanche...

— Je me fiche de Blanche, je l'interromps, je l'ai draguée pour la tester car je n'avais aucune confiance en elle au début. Je n'aimais pas l'idée qu'elle s'infiltre dans ma vie et celle de mes amis. Quant à l'autre fille, je ne l'avais pas invitée, c'était un hasard. On a juste passé une soirée ensemble, ça ne compte ni pour moi ni pour elle. On s'amusait, voilà tout. Tu sais ce que c'est !

Je joue la désinvolture, mais j'ai dû réagir plus agressivement que je ne le croyais car Stella me regarde avec un air triste.

— Je ne voulais pas que tu te fâches, on est amis, je pensais qu'on pouvait parler de tout.

Elle détourne son visage et regarde un point au fond du couloir, juste derrière moi. La voir si désemparée me vrille l'estomac. Je n'ai pas le droit de lui parler sur ce ton, je n'ai pas le droit de lui faire peur.

— Je te demande pardon, c'est juste la vérité.

Sa main serre fort un pan de sa tenue, ses yeux sont toujours baissés.

— J'ai été trop indiscrète, pardon.

Non ! Ne te referme pas ainsi. Je ne sais pas quoi faire, je t'en supplie, regarde-moi.

— Changeons de sujet, je propose.

— Je suis désolée, pour moi tout ça est nouveau... Si c'est ta façon de t'amuser alors je veux bien comprendre, elle se mord la lèvre inférieure et je vois qu'elle est aussi mal à l'aise que moi.

Je me donnerai des baffes, parfois.

— Je n'ai aucune intention de m'amuser avec toi !

— Je t'ennuie, c'est ça ?

Ses yeux gris rencontrent alors brusquement les miens et je suis cuit. Je suis cuit parce que ça me désarçonne fortement et que j'en reste les bras ballants. Parce que, quoi qu'on en dise si je n'ai jamais eu de relations sérieuses c'est parce que je suis incapable de baisser la garde devant autrui, le contact physique est tellement superficiel que c'est facile. Parler à cœur ouvert est pour moi bien plus intime que deux corps qui se touchent et je comprends à quel point jusqu'ici j'ai été d'une lâcheté incommensurable.

Je m'avance vers elle :

— Stella, je ne veux pas te faire peur, juste être honnête à mon tour. J'ai eu quelques aventures et toutes les filles que j'ai vu étaient consentantes, on ne s'est jamais rien promis et cela nous allaient très bien.
Maintenant que je suis ici avec toi, je me rends compte que le terme « s'amuser » est pathétique. Tout cela n'avait rien d'amusant, j'ai cherché du réconfort mais en réalité c'est moi que je fuyais. Je ne veux plus de ce type de relation. Je veux surtout une amie. Est-ce que tu veux bien être cette amie ?

Je lui tends la main.

Je n'ai pas besoin d'une petite-amie pour le moment, j'ai besoin de Stella. La qualification de notre relation n'a, à ce stade, aucune importance. Je veux être près d'elle et je veux l'écouter parler et chanter, je veux qu'elle me fasse confiance comme moi je lui fais confiance. Voilà tout ce que je désire, toutefois je ne sais pas si je mérite qu'elle m'accorde son attention, mais je suis prêt à devenir meilleur juste pour avoir l'espoir d'être digne d'entrer dans sa vie.

Délicatement, les doigts de Stella serrent les miens.

— Evidemment que nous sommes amis ! elle répond avec aplomb.

Un souffle sort de mes lèvres sans que je ne m'en rende compte tout de suite : jamais je n'aurais cru pouvoir être aussi tendu et soulagé en quelques secondes.

— Mais pitié ne sors pas avec Rob, conseil d'ami, je réplique. Il a trop de chose à gérer avec son frère.

— Rob est sympa, elle m'avoue calmement, mais quitte à choisir, moi je soutiens M. Duval.

Matthias ? Bon sang ! Je vais me pendre dans deux minutes...

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Ascenseur émotionnel pour Jay... il va devoir ramer (c'est dur pour un pirate !) 🤣