43. Méfiez-vous des princesses

4.2K 720 50
                                    

J'ai envie de tout casser. A tel point que j'ai même du mal à respirer, à me dégager de cette violence intense qui bout en moi. Cela faisait longtemps qu'elle n'était pas sortie. Je déteste quand je suis dans cet état, il faut que je redescende des tours de ma colère !

Je passe une main sur mon visage, inspire fortement. Ce qui me rend le plus à fleur de peau est l'idée que la chanson de Cam soit utilisée sans son accord.
Et aussi qu'on ait pu se servir de Stella à son insu.

Le regard désespéré de Stella quand elle m'a retenu...
Je me dégoûte.
Ah, j'en ai marre ! Pourquoi est-ce moi le méchant dans cette histoire ?

Je me replie dans le garage, ici c'est mon antre, ma grotte, mon recoin. J'y fulmine si je veux et je tourne en rond sans importun.

Je donne un coup de pied dans l'établi et quelques outils tombent sur le sol. Je ne prends même pas la peine de les ramasser et m'écroule comme une masse sans vie sur le vieux canapé défoncé. Mon bras replié sur le visage pour me cacher de la lumière issue de l'ampoule nue du plafond, j'expire et inspire fortement. Seule me tient compagnie, la petite Vespa. Elle attend son tour patiemment. J'aime les véhicules car ils ont donné une liberté de mouvement à quelqu'un. On peut toujours aller loin avec eux, j'imagine qu'une personne les a chéris et a bénéficié de leur motricité pour s'enfuir, s'échapper ou simplement partir découvrir le monde, fût-il juste un petit quartier. Moi, je rêve de prendre le large, mais ici ça passe encore.

Quand je bricole, je ne me sens pas isolé, je ne pense plus à moi ni à rien d'autre. Je répare et je prends soin des petites choses, je travaille en silence, les rouages, moteurs et autres mécanismes n'ont pas de secrets pour moi. J'aime ça, parce que tout a un sens et une logique. Il faut un peu de patience pour rendre leur identité à des objets. Je peux le faire avec douceur et réflexion, dévouement et délicatesse. C'est ma fierté. Je peux réparer ce qui est cassé. Je peux donner une nouvelle existence à ces objets, ce que je ne peux pas faire pour Cam.

Il me manque tant que cela me tue à petit feu. C'est pour ça que je supporte mal d'être près de Matthias : il a refait entièrement sa vie et il a l'air de s'en porter bien mieux que moi. Je pouvais l'encaisser tant que j'essayais de ne pas trop y penser. Mais qu'il utilise les compositions de Cam avec autant de désinvolture, ça me dégoûte. Comme s'il distribuait un morceau de mon meilleur ami ou qu'il jetait aux vents ses derniers rêves.

Je le déteste.

Je me recroqueville sur le canapé et j'attends que ma colère passe, mais c'est la tristesse qui la remplace. C'est encore pire.

Dans mon esprit, le visage de Matthias, et son incompréhension lorsque je le plaque contre le mur, se mélangent avec le regard en pleurs de Stella.

Stella... je suis désolé.
Ce n'était pas toi.
Je suis désolé.

Le temps passe.
Rien ne bouge et surtout pas moi.

« Hey ! une main se pose doucement sur mon épaule. Jay, tu dors ? Il est tard, tu ne veux pas aller dans ta chambre, il fait trop froid ici.

— Blanche ?

— J'ai vu de la lumière passer sous la porte. Alors c'est ici que tu t'es réfugié ? Et voici donc la fameuse mini-moto dont parle Théo ? elle sourit.

— Laisse-moi tranquille. Tu poses trop de questions, pourquoi tu ne dors pas ?

— Tu ne voudrais pas partager une infusion avec moi au lieu de râler ?

— Je ne bois pas d'eau chaude ! je me retourne pour mettre fin à la conversation.

Mais Blanche reste accroupie à côté de moi et attend que je réagisse.

— Dis, tu as vraiment failli faire la peau à mon patron ?

— Comment es-tu au courant ?

— J'ai entendue Stella en parler à Matthias mais je n'ai pas tout compris, je devais sortir avec Théo et du coup j'ai à peine entendu des bribes.

Je me redresse brusquement :
— Elle a dit quoi d'autre ?

— Je ne sais pas. Je crois qu'elle a mentionné son frère mais comme je te l'ai dit, je poursuivais Théo : ce petit est monté sur ressort.

Son frère ? Blanche a dû mal comprendre.

— Tu diras à Stella que je suis désolé, je baille pour me donner un air détaché.

Un marteau énorme surgit devant mes yeux embués de sommeil, j'ai un mouvement de recul.

— Si tu veux mon avis - et je te le donnerai quand même que tu le veuilles ou non : ce serait mieux que cela vienne de toi. (Elle fait bouger doucement le marteau devant moi) C'est lourd ce truc, dit-elle en prenant un air innocent.

— Lâche ça ! je déglutis. Tu ne sais pas t'en servir.

— Ne me sous-estime pas, j'étudie aux Beaux Art : j'ai toujours réalisé moi-même les cadres de mes tableaux. Néanmoins, je n'avais jamais refait le portrait de qui que ce soit... juste des portraits.

— C'est une menace ?

Elle lorgne vers ma Vespa...

— Imagine, me taquine-t-elle, si Théo avait accès à ce marteau et voulait réparer sa moto préférée. Ce serait dommage...

— Tu n'oserais pas...

— Il faut bien ranger ses outils en hauteur, elle pose le marteau dans ma main et me tapote l'épaule. Question de sécurité !

— J'irais voir Stella. Et pas parce-que tu me menaces !

Elle sourit et se lève en s'étirant.

— Bonne nuit, Jay.

BON SANG ! Les princesses, ce n'est plus ce que c'était !

🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️🧜‍♀️

Merci de suivre cette histoire ! ❤

Mermaid OnlineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant