2. Phare dans la tempête

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Un an plus tard

Il pleut beaucoup.
Je ne sais plus si je tremble de froid ou de détresse. L'eau sur mes joues a un goût salé. Peut-être celui de mes larmes.
Je ne veux pas le savoir.

Je traverse les rues en courant.

Il y a toujours un phare dans la tempête.
On appelle cela l'espoir.

Me voilà sur le pas de la porte de M. Duval. Il est très tard. La lune éclabousse de son pâle sourire sa maison en haut de l'allée.

« Stella ? Qu'est-ce qui s'est passé ? »

Il est déstabilisé de me voir ici. Ses cheveux noirs en bataille et ses lunettes de travers prouvent que je le dérange.

Mes pieds vissés dans le sol ne peuvent plus bouger. Ma voix meurt avant de passer mes lèvres.
Comment lui expliquer ? Moi-même, je suis perdue.
Je n'ai qu'une boule au fond de la gorge. Je baisse les yeux, incapable de répondre.

— Rentre ! dit-il.
Et je rentre.

Sa maison est en désordre, il y a des jouets partout et des cartons pas encore défaits. J'enjambe les lego et les petites voitures.

Au milieu du salon trône une cabane de coussins et de couvertures, une minuscule main à moitié cachée dépasse d'un oreiller.

M. Duval se penche pour sortir un petit garçon endormi sous un tas de peluches multicolores. Sa tête aux boucles blondes se niche dans le cou de son père.

— Je vais coucher Théo, dit-il. On appellera tes parents après pour leur dire où tu es.
— Ils s'en fichent, ai-je répondu. Vous le savez bien...
— Ne dis pas cela.
— Je ne veux pas retourner chez moi, je murmure.

M. Duval soupire. S'il ne portait pas son fils de quatre ans, je sais qu'il aurait remonté ses lunettes sur l'arrête de son nez et croisé les bras sur son torse pour me faire la morale.
Il adore donner des leçons.
Dans une autre vie, M. Duval aurait pu être mon frère aîné : il n'a que vingt-quatre ans malgré ses grands airs d'adulte très sérieux. Dans ma vie, il est mon prof de maths particulier et je ne l'appelle pas par son prénom. C'est la distance sociale que nous mettons entre nous.

J'aimerais pourtant l'appeler Matthias. Un jour j'essaierai, juste pour le voir râler un peu...

— Il y a une chambre d'amis à l'étage. Tu peux t'y installer, a-t-il proposé.

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