Je contemple une cathédrale Notre Dame,
isolée, innocente, au milieu du vacarme,
par un cruel soleil doucement éclairée,
baignée d'or par la violence de l'été,
une bête sauvage violemment chassée,
sur son dos par une lame rouge marquée.
Trois portes couronnées par un tympan.
Au milieu, sur un trône, il est là, attendant,
sa barbe ondulant comme un serpent,
de son droit admonestant ou bénissant,
sa main gauche sanglante et blessante,
entouré de figures de pierre quasi-vivantes.
Conclavé d'animaux terribles et pacifiques
sculptés en mode homériques, chimériques,
ils sont dociles, amoureux, fier de sa gloire,
écoutant avec attention son talent oratoire.
Des langues de feu, des crocs, des ailes :
un bestiaire issu du paradis ou de l'enfer.
Aigle fier, tel Zachée, sur un sycomore,
taureau trapu mais sans la fille d'Agénor,
un lion léger avec un livre dans les pattes,
ces animaux apparaissent-ils dans la vulgate ?
Ici se mélangent des animaux de satan
et les bêtes banales de la Terre, du vivant.
J'observe les harpies, chimères, murènes,
salamandres, serpents à corne, sirènes
dragons, gargouilles, basilics, manticores,
zizs, léviathans, béhémoths et centaures,
ces sculptures sordides qui ornent l'entrée
de ce lieu pour certains sanctifié, sacré.
Autour de lui, sur les côtés, je retrouve
les apôtres qui sont au nombre de douze.
Avec des vases, des instruments, des armes,
regardant vers lui, tout sauf sages et calmes,
leurs membres volants, animés par le mystique,
leurs visages se fixant comme sur les diptyques.
Aussi, des anciens, leurs noms inconnus à moi,
tel David dansant autour de l'Arche, en émoi,
touchés par le vent et le grâce du saint esprit,
entourés de plantes paradisiaques du pourpris :
oliviers, chênes, hysopes, grenades, cerisiers, aulnes
lys, roses, iris, narcisses, myrtes et baumes.
Je sombre maintenant dans une vision de l'enfer :
Les colériques sont déchiquetés par des fers,
Hommes et femmes nus entourés de crapauds,
leur sépulture, leur luxure, torturés par cette Gestapo
de sales serpents suspendues à leurs lèvres ;
ils copulent avec des satyres aux pattes de chèvre.
Des avares avides cloués sur des lits de ronces,
orgueilleux ostentatoires aveuglés par des monstres,
des gloutons goulus se dévorant mutuellement
leurs visages, leurs membres et leurs vêtements,
des jaloux sales suppliciés par des fichues flammes,
lambins en loques chassés par des anges sans âmes.
Il y a du désir dans l'humilité et la douleur
et même un ange peut pécher par excès d'ardeur.
Si peu de différence entre l'ange et sa ferveur,
le démon, ses serviles serviteurs, leur peurs.
Si l'ange déchu se détourne pour peu de l'adoration,
qu'attendre de nous, humains, en proie à la damnation ?
Cet endroit, pour l'âme spirituelle, le religieux,
est-ce un lieu sacré ou abandonné par les dieux ?
Dans le purgatoire, peut-on encore garder l'espoir
d'être promu au paradis par un ordre exécutoire ?
Pour maitriser la passion : autorité, expérience, raison,
les trois voies de la connaissance évoqués par Bacon.
Si peu d'écart entre extase, déception et désespoir ...
Les âmes perdues doivent elle perdre l'espoir ?
Ces portes mènent en enfer ou aux Champs Elysées ?
Suis-je dans le lieu du bleu jugement dernier ?
J'entends une voix qui me dit de mieux sauter
pour aller en enfer ou en empyrée, pour l'éternité.