Acte XV

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-Bonjour, vous êtes Mademoiselle Umeboshi?

Le petit garçon, qui avait dix ans tout au plus, se tenait à présent à quelques mètres d'elle, tenant sa lanterne dans sa main libre, l'autre étant emmitouflée dans le kimono qu'il portait, comme pour se protéger du froid.

De courts cheveux roux foncé ornaient son crâne, et deux yeux bleus la regardaient avec un mélange de crainte et d'admiration. Lorsque Junko tenta de sentir une quelconque énergie maudite venant de l'enfant, elle ne capta rien d'hostile. Elle se détendit alors légèrement, mais garda malgré tout une certaine forme de méfiance.

Que faisait un enfant tout seul dans cette forêt, qui était censée être abandonnée? S'était-il perdu?

Elle se rappela alors que le garçon venait de l'appeler par son nom de famille, ce qui renforça ses soupçons. Comment le connaissait-il?

-Ça dépend, répondit-elle après quelques secondes de réflexion. Qui es-tu?

Le petit garçon baissa les yeux, visiblement gêné. Il devait être extrêmement timide, et le fait que Junko lui parle sur un ton pareil ne devait pas aider. Elle se sentit coupable, et lui demanda alors pardon en répétant sa question plus doucement.

-...je m'appelle Ame... Je vis dans le temple qui se trouve sur la petite montagne derrière moi, avec mon grand-père et ma sœur...

Cela expliquait de nombreuses choses, alors. Tout d'abord d'où venait le son de cloche qu'ils avaient entendus plus tôt, mais aussi pourquoi des fléaux se trouvaient encore ici alors que l'endroit était censé être inhabité. Si un temple ne se trouvait pas loin, c'était l'endroit parfait pour que des émotions négatives s'y regroupent et pullulent.

De même, cela pouvait également expliquer le fait que les peluches confiées à ses élèves avaient rendues leur fragment d'âme, avec la barrière magique qui devait protéger le temple et qui repoussait ainsi les fléaux, dont son renard. Les six adolescents "disparus" avaient dû se rendre aux alentours du temple...

-Vos élèves se trouvent chez moi, reprit le petit garçon comme s'il lisait dans ses pensées. C'est mon grand-père qui m'envoie.

Junko se remit à fulminer, à présent que la tension et l'incertitude étaient retombées. Ne leur avait-elle pas dit de ne pas s'aventurer plus loin que les alentours directs de la forêt? Que faisaient-ils tout là-bas, au juste?

-Si vous voulez bien me suivre, je vais vous amener à eux, Mademoiselle Umeboshi.

-Appelle-moi Junko, s'il-te-plaît, lui répondit-elle avec gêne. Je ne suis pas si vieille que ça après tout... Je peux t'appeler Ame?

Le petit garçon aux cheveux roux hocha la tête de haut en bas sans répondre de vive voix, et lui ouvrit la marche à travers les bois. Elle jeta un dernier regard en arrière, voyant la lumière lointaine que produisait le feu de camp, que devait actuellement garder son renard jusqu'à nouvel ordre. Comme les peluches n'étaient plus actives, il pouvait rester invoqué malgré la distance.

Elle espérait ne pas être trop longue, afin de retrouver ses élèves puis Gojo au plus vite, et que tout le monde aille prendre un repos bien mérité après toutes ces péripéties. Et après un petit remontage de bretelles.

Le voyage jusqu'au temple se fit dans le silence, seulement entrecoupé par les craquements de leurs semelles sur la terre couverte de feuilles et de branches mortes. Plus aucun fléau aux alentours, ce dont Junko fut reconnaissante. Si elle venait à être attaquée comme la dernière fois, elle ne pourrait pas se mouvoir facilement entre les arbres aux branches serrées.

Elle ne savait pas vraiment quoi dire à cet enfant, qui paraissait éviter le contact et les conversations autant qu'il le pouvait. S'il vivait seul avec son grand-père et sa sœur, ce n'était peut-être pas étonnant après tout... Il ne devait pas avoir beaucoup d'amis dans les parages, et elle n'était même pas sûre qu'il puisse aller à l'école.

Car la civilisation se trouvait à plusieurs dizaines de kilomètres, et au vu de son kimono usé il ne devait pas rouler sur l'or, lui et sa famille. Alors s'autoriser le luxe d'aller apprendre n'était sûrement pas une option pour eux.

Junko et Ame arrivèrent finalement, après plusieurs minutes de marche silencieuse, devant une volée d'escaliers raides comme elle n'en avait jamais vu. La lumière de sa lanterne ne pouvait même pas en éclairer l'extrémité, et seules quelques marches de pierre couvertes de mousse lui apparaissaient. Au-dessus de l'escalier se trouvait un torii rongé par le temps, dont la couleur autrefois rouge était passée depuis un moment et dont les pieds encadraient le chemin vertigineux.

Elle commença l'ascension, suivant toujours le garçon de près, afin de ne pas le perdre de vue. Le chemin escarpé passait au milieu des arbres, couverts de lierre grimpant, plongés dans l'obscurité à couper au couteau. Avec l'épaisse couche de branches au-dessus de leurs têtes, impossible pour la lune déjà ténue de les éclairer.

Les nombreuses marches se succédèrent, mais Junko n'était pas épuisée pour autant. Elle était endurante, beaucoup même. Mais, chose surprenante, le jeune garçon n'était pas plus fatigué qu'elle ; sans nul doute avait-il l'habitude de faire ce chemin de nombreuses fois par jour...?

Au bout de ce qui lui sembla durer une éternité, un autre torii pu être aperçu, signe que l'escalier se terminait à sa base. Effectivement, un chemin en dalles de béton plein de fissures et d'herbes folles serpentait jusqu'à un bâtiment en plutôt bon état, typiquement japonais. A travers l'un des shôjis, une lumière perçait l'obscurité, signe que des personnes se trouvaient à l'intérieur.

En passant sous le torii, Junko remarqua que la lumière de la lune éclairait la petite place, à présent qu'elle se trouvait sur la colline et non plus sous les arbres. Elle emprunta le chemin à la suite d'Ame, passant devant un vieux puit ainsi qu'un jardin à l'abandon, rempli de mauvaises herbes.

Enfin, ils atteignirent le bâtiment éclairé, et le petit garçon lui ouvrit la porte coulissante avec une petite révérence, lui faisant signe d'entrer. Elle prit bien soin de déposer ses chaussures sur le pas de la porte, à côté de nombreuses autres qu'elle connaissait très bien. Ses élèves disparus étaient bel et bien là, finalement.

Elle entra ainsi dans une salle couverte de tatamis et de peintures murales traditionnelles aux couleurs passées, avec au milieu des personnes, qui discutaient avec animation.

Tous ses élèves étaient présents, en train de boire le thé, accompagnés par un vieillard habillé d'habits de moine, ainsi qu'une petite fille qui ressemblait trait pour trait à Ame, avec les cheveux plus longs cependant, attachés en une queue de cheval basse.

Toute l'attention de la joyeuse petite scène se tourna finalement vers elle, qui les dominait de sa hauteur, toujours debout. A leurs salutations chaleureuses, surtout celle de Yuuji qui l'accueillit avec un grand cri de joie, elle se contenta de croiser les bras, et de les dévisager avec un regard meurtrier.

C'était une grosse blague? Ils étaient censés faire la mission et revenir au campement juste après, et elle les retrouvait en train de boire un petit thé, tranquillement?

Mais la mascarade de s'arrêtait pas là, non. La blague n'était pas terminée, loin de là.

Car, dans un coin de la pièce à présent silencieuse, elle distingua une autre silhouette. Puis, une voix qu'elle reconnu très bien.

-Tiens, Junko-chan! Ça faisait longtemps!

...

Elle allait commettre un meurtre. Inévitablement.

Jujutsu Kaisen - Satoru x OC // A Reason To StayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant