Acte XXIII

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Junko laissa un rire amer lui échapper, sa voix à présent dépourvue de l'empreinte sinistre de la kitsune, et qui était ainsi redevenue normale. La même voix qu'on lui connaissait depuis des années.

La même voix qui n'avait fait que cacher ses plus sombres secrets.

La jeune femme sentait que son démon lui redonnait le contrôle de son corps, bien que son apparence physique reste celle de la renarde, et de son esprit par la même occasion. Résultant des tremblements dans tous ses membres, dont elle peinait à déterminer la cause.

Était-elle tellement fébrile qu'elle en tremblait d'excitation? Ou bien était-elle, chose étonnante, emplie d'appréhension à l'idée que son secret soit à présent découvert?

Plus aucun retour en arrière possible, désormais. Ses véritables intentions et son vrai visage avaient été révélés au grand jour.

Sa vie fausse et montée de toutes pièces venait de voler en éclats.

-C'est donc dès cet instant que tu as commencé à avoir des soupçons... déclara-t-elle finalement après un long moment de silence. Pourquoi n'avoir rien dit jusqu'à aujourd'hui, au juste? Que ce soit à moi ou à nos supérieurs? À moins que vous ne complotiez de votre côté, en essayant de trouver un moyen de pression sur moi?

Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle posait cette question, ni ce qu'elle attendait comme réponse. Gojo était de toute manière destiné à assouvir sa vengeance, lui et les autres. Ses anciens élèves, ses anciens collègues. Tous.

Elle vit l'homme aux cheveux blancs froncer les sourcils, et ce malgré le bandeau qui cachait ses yeux. Les jambes fléchies et les mains prêtes à intervenir, il guettait attentivement chacun des mouvements de Junko.

-... parce que j'espérais que tout ceci ne soit en réalité pas vrai. Parce que j'espérais que tout ne soit qu'un énorme malentendu, tellement je ne pouvais y croire.

La voix du jeune homme était grave, comme rarement auparavant. Junko n'était même pas certaine de l'avoir un jour entendu parler ainsi, hormis peut-être lorsqu'il lui avait annoncé que Yuuji était "mort".

-J'ai donc fait des recherches de mon côté, continua-t-il sur la même intonation. Et plus je creusais, plus je peinais à trouver cela possible... Il y a beaucoup trop d'incohérences dans ton passé, et rien ne colle à quoi que ce soit, et encore moins à tes actions aujourd'hui... Qu'est-ce qui t'as poussée à intégrer les rangs des exorcistes, seulement pour les trahir juste après?

C'était donc cette question qui venait en priorité dans l'esprit de son ancien collègue, pensa Junko en grimaçant. Sans qu'elle ne sache pourquoi, c'était précisément cette question qu'elle avait le plus attendue, et en même temps le plus redoutée.

-Je te l'ai déjà dit, il me semble... Je veux me venger de vous, sales chiens d'exorcistes, qui m'avez prit ma seule et unique famille. Il y a plus de dix ans, deux d'entre vous se sont introduits chez moi et ont massacré mes parents ainsi que mes petits frères et sœurs. Ai-je besoin d'une meilleure raison pour vous vouloir morts, tous autant que vous êtes? Ou bien n'est-ce encore pas assez?

Gojo resta silencieux un autre long moment, cherchant à déterminer si oui ou non la jeune femme disait la vérité. Les traits déformés de colère et de rage de cette dernière lui confirmèrent qu'elle était on ne peut plus sérieuse, et les larmes qui commençaient à poindre au coin de ses yeux rajoutèrent de l'authenticité à ses propos.

-Ma fratrie et moi, on était tous malades. On était tous condamnés quoi qu'il arrive, mais on vivait malgré tout heureux, avec nos deux parents qui auraient fait n'importe quoi pour nous. Je n'ai pas besoin de savoir pourquoi vous avez un beau jour décidé de nous tourmenter encore davantage, et à vrai dire je m'en fou. Je veux juste vous faire souffrir comme vous m'avez faite souffrir moi, qui attendait désespérément à l'hôpital que ma famille vienne me rendre visite... Sans même savoir qu'ils étaient tous morts.

Elle sembla prendre pleinement conscience de ce qu'elle venait de dire, et se mordit alors la lèvre en enfonçant ses crocs dans la chair à présent à vif. Les larmes redoublèrent, et elle ne prenait même pas la peine de les cacher ou même de les sécher.

Tout cela était futile à présent. Seule la vengeance comptait.

-J'ai absorbé l'âme de bon nombre d'entre vous, reprit-elle d'une voix presque éteinte, qui redevint progressivement assurée à mesure qu'elle parlait. Grâce à Kyûbi, j'ai jusque là réussi à assouvir ma vengeance comme je le voulais, avec le pacte que nous avons établi toutes les deux... Je n'en ait strictement rien à faire si des innocents se trouvaient dans le lot, pour moi vous êtes tous coupables au même titre que ceux qui ont tué ma famille, et que je n'ai toujours pas réussi à retrouver. Mais je compte bien poursuivre mes recherches, quitte à devoir changer d'apparence ou quoi que ce soit d'autre.

Elle laissa un sourire poindre sur ses lèvres mordues, d'où s'échappaient de minces filets de sang là où ses crocs avaient percé la chair.

-Même si je venais à mourir en me battant contre toi, ce dont je doute fortement au vu de ta réticence à tuer ceux que tu aimes, ce ne serait qu'un détail car je ne compte pas faire de vieux os, comme je te l'ai déjà dit... mais je me suis assurée que tu ressentes des sentiments forts envers moi, ce qui est effectivement le cas aujourd'hui. Tout comme les élèves, ma mort vous dévastera. Je ne tiens pas à la vie, mais vous vous tenez bel et bien à la mienne. Est-ce que je me trompe?

Elle planta ses pupilles d'un bleu surnaturel dans celles de Gojo, toujours couvertes de leur bandeau. Elle savait cependant qu'il la fixait avec la même intensité que la sienne.

Ce qu'il fit ensuite la déstabilisa alors totalement, tellement elle fut prise par surprise. Gojo pencha la tête sur le côté, et laissa un petit ricanement lui échapper.

-Je vois que tu as pensé à tout, déclara-t-il d'une voix amère. C'est vrai, tu as raison. Je suis tombé fou amoureux de toi, même après mes découvertes. C'est sans doute futile à présent, mais je voudrais te voir renoncer et tout arrêter ici et maintenant ; comme l'a dit Yuuji, on peut t'aider à exorciser Kyûbi et tu peux reprendre une vie normale. Nous sommes prêts à faire ce sacrifice, car nous tenons à toi... Ne nies pas le fait que tu ne tiens pas aussi à nous de ton côté, Junko. J'ai envie de croire au fait que tu n'es pas toi-même en ce moment, et que c'est Kyûbi qui t'influence et te contrôle.

La jeune femme éclata de rire en écoutant cela, et ignora à merveille le cœur qui s'était serré dans sa poitrine l'espace d'un instant.

-La Junko que vous connaissiez n'a jamais existé, Gojo.

-Je sais. Umeboshi n'est pas ton vrai nom, je me trompe?

Elle le regarda comme s'il venait de lui dire une connerie monumentale. Et? Une telle information n'était pas vraiment compliquée à deviner au vu des récents évènements. Ce qu'il allait dire ensuite, cependant, manqua de lui couper le souffle.

-Ton vrai nom est Tanaka, n'est-ce pas? Dans mes recherches j'ai fini par découvrir que c'était de cette famille dont tu étais issue, car tu as laissé des traces derrière toi tu sais... Et Junko était le nom de leur aînée. Une jeune fille qui avait passé le plus grand de sa vie à l'hôpital...

Il prit une inspiration, avant d'abattre sa dernière carte.

-La vraie Junko est cependant morte depuis longtemps, peu après la majeure partie de sa famille. Et c'est sa petite soeur, Mirai, qui a usurpé une partie de son identité pour je ne sais quelle raison.

Il la regarda droit dans les yeux.

-Mirai, c'est ça ton vrai nom. Ai-je tord?

Jujutsu Kaisen - Satoru x OC // A Reason To StayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant